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 Road Trip [PV Hanamiya Makoto]

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Takara Tariki
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Elève
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MessageSujet: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptyJeu 2 Avr - 20:52

L'année scolaire venait à peine de commencer qu'elle s'autorisait déjà des sorties d'envergure qui la menaient par la suite dans des situations délicates.

Lorsque Tariki avait appris qu'une de ses amies s'était installée à Kofu dans la préfecture de Yamanashi, elle s'était empressée de lui rendre visite. Ne l'ayant pas vue depuis un moment et donc enchantée à l'idée de la rencontrer dans cette ville qu'elle ne connaissait pas, elle était partie le vendredi après les cours pour y passer le week-end. Après avoir festoyé des mets locaux midi et soir au restaurant, visité un musée et acheté quelques souvenirs, la jeune fille avait du freiner ses dépenses dans l'optique d'acquérir un ticket de retour par voie ferrée. L'enthousiasme dont elle avait fait preuve aux côtés de son amie ne lui avait cependant pas autorisé ce loisir. Ladite amie n'ayant pas le permis de conduire et Tariki ne souhaitant guère se mettre dans l'embarras en lui empruntant de l'argent, elle s'était tournée vers une méthode peu usitée dans l'archipel : l'auto-stop. Après avoir rassuré sa camarade sur les agréables conditions de ce mode de transport, elle s'était postée à la sortie Est de Kofu où un automobiliste l'avait embarquée après quelques minutes d'attente. Surpris par la jeunesse de son hôte, il s'était proposé de la ramener jusqu'aux abords de la capitale pour lui assurer un maximum de sécurité. Bien qu'émue par ce geste, la jeune fille avait refusé, son chauffeur n'allant pas plus loin que la ville d'Uenohara où il résidait. Bonbonne de gaz lacrymogène à l'appui, elle lui avait démontré qu'elle saurait largement s'en sortir en cas de danger. Aussi, avait-elle rappelé, le Japon était un pays au taux de criminalité extrêmement bas sur l'échelle mondiale.

Après l'avoir mille fois remercié, elle ferma la porte du véhicule et se dirigea vers la grande surface sur le parking de laquelle il l'avait déposée. Il était déjà presque midi. Tariki ne se voyait pas rentrée chez elle avant quinze heures, voire seize si son prochain chauffeur tardait à se dévoiler et si le trafic ne lui permettait pas de rouler convenablement. Étant cependant un dimanche, les routes ne devraient pas être trop encombrées même aux portes de Tokyo, où elle pourrait alors prendre les transports en commun grâce à sa carte d'abonnement. En prévision toutefois, elle avait jugé bon de se procurer à manger. Sans chipoter, elle opta pour un bento à bas prix contenant des tranches de saumon entourées de suffisamment de concombre, de champignon et d'omelette pour remplir son estomac. Pour dessert, des barres chocolatées qui lui redonneraient de l'énergie et serviraient probablement de maigre dédommagement à celui ou celle qui la prendrait en stop. Son petit sac de plastique à la main, elle repéra la route menant à Tokyo depuis le parking, évalua la chaussée et se plaça à un endroit visible où les voitures pouvaient aisément se garer. Sous le soleil irrégulier d'Avril et par un jour de repos, le nombre de conducteurs était très réduit. Sans compter la marginalité de son geste que beaucoup d'autochtones ne connaissaient pas. Tariki se maudit quelque peu d'être parfois si originale, mais surtout d'avoir dépensé sans compter à Kofu les jours précédents. Son argent de poche n'était pas mirobolant, il était aisé de le flamber en une journée mais elle avait préféré profiter de l'instant présent sans se poser trop de questions. Qui savait quand elle pourrait revoir son amie et ainsi jouir d'un plaisant week-end.

Elle n'avait guère de recours. Le montant demeurant dans son porte-monnaie ne lui permettait pas d'acheter un ticket de train et ce n'était pas son père qui viendrait la chercher. Ne lui restait plus qu'à inspirer confiance aux automobilistes. Ce qui ne serait pas chose évidente avec son jean noir troué, son tee-shirt à tête de mort surpassé d'une veste en simili cuir et ses bottes à semelle compensée. Elle ne possédait ni papier ni stylo pour écrire sa destination et la montrer ainsi aux éventuels candidats. Armée de son sourire, de son bras fermement tendu et de son pouce levé vers le ciel, la jeune fille attendit qu'une bonne âme daigne enfin l'accepter dans son véhicule malgré ses airs de jeune rebelle en cavale. Elle avait encore toute la journée mais aussi charmante était la ville d'Uenohara, elle craignait de devoir finalement y prendre hôtel.
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MessageSujet: Re: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptyDim 5 Avr - 7:27

Roadtrip
Ces ténèbres ont-elles un nom ? Cette cruauté, cette haine... d’où nous viennent-elles ? Se sont-elles introduites dans nos vies à notre insu ou sommes-nous allés les chercher délibérément ? Qu’a-t-il bien pu nous arriver ? Pourquoi jetons-nous nos enfants dans le chaos du monde, comme de jeunes soldats dans l’enfer de la guerre ? Nous espérons qu’ils nous reviendront sains et saufs, mais nous savons très bien que certains seront sacrifiés en route. Depuis quand avons-nous perdu la voix ? Enveloppés par les ombres, engloutis vivants par les ténèbres. Ces ténèbres ont-elles un nom ? Et si ce nom... c’était le vôtre ?
Amélie Nothomb avait écrit dans un de ses ouvrages que tout ce que nous aimions devenait une fiction. Nos plus beaux souvenirs finissaient toujours par se dissiper comme une goutte de pluie sur la surface des lacs. Je marchai dans le bâtiment sans vraiment porter attention aux propos du jeune étudiant qui nous faisait la visite. Il discutait avec un enthousiasme indicible de la renommée de cette université. Le jeune homme ne cessait de babiller avant de nous jeter un œil plus que joyeux en nous questionnant sur nos parcours ainsi que nos écoles secondaires. Il devenait franchement énervant.

Je me trouvai dans la fameuse université Teikyo. Je crois que nous utilisons le mot « fameux » pour décrire tous les établissements dispensant une éducation supérieure. Les gens tentaient de nous appâter. Ils mettaient un prix aux connaissances que nous voulions en les décrivant comme meilleures. Peu importait tant que cela nous permettait de pouvoir obtenir un morceau de papier attestant que nous avons pu passer trois ans à apprendre des choses par cœur et les oublier. Le savoir est le même partout.

La renommée de Teikyo reposait majoritairement sur l’éducation scientifique. Je ne saurais vous dire la raison pour laquelle je supporte ce guide depuis maintenant deux heures. On me redirigeait en médecine en raison de mes bonnes notes ainsi que de mon quotient intellectuel qui franchissaient toutes les limites du possible. Mes professeurs adorent me rappeler que mon quotient intellectuel est le même que celui du plus grand scientifique de notre monde. 160. Un seul nombre qui fait de moi le futur Einstein de ce monde. Ces adultes semblent oublier que ce dernier a inventé la bombe atomique qui a ravagé notre pays. Ils n’ont probablement pas tort.

Je suis une bombe autodestructrice.


Je voudrais pouvoir passer ma vie à briser les rêves de ceux des autres. Il fallait cependant que je trouve les miens. La chimie est une de mes plus grandes passions. La chimie est utilisée en médecine. Il était donc impossible que je déteste cette profession. Je me contenterais de ce syllogisme pour le moment. Il me permettait de contenir mon implosion. Une bombe atomique. Cela se faisait au cœur du plus simple atome.

Combien de temps avant que je ne perde le contrôle ?


Je mis mes mains dans mes poches en laissant échapper un soupir. Tout autour de moi est blanc et antiseptique. Cela contrastait avec le beau paysage entourant les lieux. Je me demande si on pourrait vraiment me nommer Hanamiya-sensei. Cela semblait comme un oxymoron. Des étudiants discutaient avec des enfants. Ils leur souriaient tout en bandant leurs blessures. Je ne sais pas si je pourrais faire de même. La souffrance est une drogue. La voir autour de moi me plonge dans une extase des plus enivrantes. Je ne sais pas si je pourrais vraiment y renoncer.

Uenohara se trouvait être une place avantageuse. La visite se finit avec le sourire et sans que je ne fasse le moindre croc-en-jambe au guide. Je soufflai sur ma frange qui ne cessait de me chatouiller le visage. Ma voiture reposait patiemment dans le stationnement. Je pourrais presque envier sa vie de chat ronronnant sur les routes sans destination précise. Elle pouvait tout aussi bien aller vers la mort que vers la vie. Pas comme moi qui avais un itinéraire las qui comprenait en somme de me trouver un travail et de fonder une famille pour rentrer dans la bonne société. Ce sont dans ces moments que je veux me soulever et les détruire. Je veux hurler dans un porte-voix et leur hurler « It is war ! » comme le ferai Miku Hatsune ainsi que son harem de jeunes femmes. Immortalisées en figurine tout comme on voulait préserver la beauté. Le plus beau meurt toujours en premier.

Je cherchai mon trousseau de clés dans ma poche droite et démarrai la voiture. Le doux grognement du moteur me faisait du bien. Je frappai mon front contre le volant avant de fermer les yeux. Les larmes me monteraient presque aux yeux. Je suis en deuxième année.  La troisième année arrivera au nouveau printemps et il ne me restera que quelques mois alors pour décider ce que je voudrais faire du reste de ma vie. Idiots. Je riais tout seul en serrant le cylindre de cuir entre mes mains. Peu importe ce que je ferai de ma vie si les gens se souvenaient de moi. Je suis la catastrophe naturelle se rassasiant de futur.  

Je passai mon bras derrière le siège passager avant de regarder en-arrière pour reculer ma voiture. Les plus perspicaces souligneront probablement le fait que je suis encore trop jeune pour avoir un permis de conduire. Je devrais avoir pris le bus ou un autre moyen de transport en commun pour parvenir à ma fameuse université. Mais je ne suis pas du genre qui se laisse entraver par les lois. Ces dernières ont été mises en place par des gens peu confiants. Cela est un des plus beaux axiomes de ce monde. Ils veulent se protéger des accidents ou de la mort. Je ne crains rien de tout cela. La souffrance est ma raison de vivre et autant la subir si je ne peux pas la dispenser. Laissez-moi jouir pour une fois de ce surnom que vous m’avez donné pour me distinguer des rois découronnés avec lesquels je partage mes terres vaseuses. Bad Boy.

Je commençai à rouler sur les routes japonaises en direction du centre-ville. Une jeune fille agitait son bras avec le pouce tendu vers le ciel. Je plissai les yeux en conservant ma prise sur le volant avant de ralentir. Je me tassai doucement sur le bord de la route avant de cliquer sur le bouton à ma droite pour ouvrir ma fenêtre. Tu avais les cheveux bruns et un look désordonné qui décontenancerait probablement la plupart des gens. Tu aurais sûrement eu une meilleure place à Harajuku ou dans une vitrine de boutique. Comme les mannequins qui ne respirent pas afin de pouvoir rester pétrifiée dans une taille 3. Tout cela pour dire que ta place était partout… mais certainement pas sur cette route.  Je grimaçai en te regardant avant de lâcher brusquement.

« Ce n’est franchement pas le bon moment pour faire le trottoir. » Je cliquai sur un bouton pour ouvrir les portes avant de te faire un signe de main. « Monte dans la voiture. À gauche. Je n’ai pas encore assez d’argent pour me payer une voiture américaine. Désolé si je brise tous tes beaux petits rêves. » J’attendais que tu t’installes avant de redémarrer. Je fonçai sur la route dans un crissement de pneus avant de pouvoir enfin te passer un savon. « Tu dois certainement te dire que le taux de criminalité n’est pas élevé au Japon et que tu ne risques rien. Je crois quand même que tu ne devrais pas tenter le diable. Les crimes sont subtils ici. On ne reconnaît pas la face d’un meurtrier vu qu’en soi, tout le monde se ressemble. » Je sais ce que tous les lecteurs doivent se dire : comment un homme tel que moi pouvait-il émettre un tel discours ? Tu avais au moins la chance de ne pas connaître cette facette de ma personnalité. Je pris une bonne respiration avant de te regarder en biais.  « Tu veux aller où ? » Je te posais cette question tout en ayant pris une autoroute. Cela était en soi bizarre. Je crois que je veux me perdre.

Seulement pour ce soir.


crackle bones


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Takara Tariki
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MessageSujet: Re: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptyDim 5 Avr - 16:55

Uenohara était une grande ville. Sa population dépassant les vingt-six mille habitants, la jeune fille n'aurait jamais cru que la route principale en direction de Tokyo puisse être aussi dépeuplée. Le temps semblant ralenti, il lui laissa l'occasion de réfléchir aux diverses explications d'une telle désertion. La rentrée scolaire s'était effectuée il y avait peu : les étudiants préféraient sans nul doute rester blottis chez eux pour sauvegarder l'énergie nécessaire à la semaine qui commencerait dès le lendemain. Ce n'était pas le moment de compter fleurette à travers champ. Les adultes, travailleurs pour la plupart, profitaient du congés pour retrouver leur famille et leurs proches, tapis dans le feutre confortable de leur domicile. Quant aux retraités, ils n'avaient guère de raison de se trouver sur les routes un dimanche après-midi, jouissant des commodités de proximité au coeur de leur cité. Somme toute, Tariki était certainement le seul être vivant de l'archipel à avoir fui ses responsabilités de lycéenne et de fille. Elle n'avait que vaguement évoqué son départ pour Kofu à son père. L'homme n'avait peut-être même pas remarqué son absence, comme à son habitude absorbé par l'écriture dans les neuf mètres carrés de son bureau. S'il avait touché aux plats qu'elle avait daigné lui préparer avant de quitter le domicile, elle s'estimerait heureuse. D'une part car ses efforts n'auraient pas été vains, d'autre part car elle aurait contribué à ses besoins essentiels et donc à sa survie. En y pensant, la jeune fille se demanda si elle ne devait pas profiter du temps qui lui était imparti et qui promettait d'être long pour l'appeler et s'enquérir de son état.

Au même moment, une voiture passait devant elle. Avant de ralentir. Puis de se garer sur le bas-côté. Ni une ni deux, Tariki empoigna le sac en plastique qu'elle avait déposé au sol, replaça celui qu'elle portait en bandoulière et qui contenait ses effets personnels, et s'avança vers la fenêtre que le conducteur avait ouvert. Rien n'était encore acquis, celui-ci ne roulait pas forcément dans la direction souhaitée mais le simple fait de s'être arrêté et donc de lui prêter attention la ravissait. Une fois face à l'ouverture créée par la vitre baissée, l'adolescente découvrit le visage de son éventuel bienfaiteur : jeune, assez pale, avec des yeux oscillant entre le marron et le gris surplombés de sourcils prononcés, des cheveux noirs coupés au ras des épaules, et grimaçant. Les premiers mots qui filtrèrent de sa bouche furent d'autant plus désagréables que prononcés avec une forme de dédain exacerbée. À ce genre de remarque sortie de nulle part et à laquelle elle ne s'attendait aucunement, Tariki aurait volontiers répondu par un doigt d'honneur. Mais à peine l'inconnu l'avait-il placée qu'il lui ouvrait la porte de son véhicule. La jeune fille hésita un instant ; il était le seul à s'être arrêté jusqu'à présent et serait probablement le seul à le faire avant longtemps. C'était un dimanche après-midi dans la banlieue d'une grande ville, le temps était incertain, Tokyo encore loin, elle avait des devoirs à faire une fois rentrée, pratiquement plus d'argent dans ses poches et aucune envie de rester sur le bas-côté pendant des heures jusqu'à devoir conclure qu'une nuitée à Uenohara s'imposait.

Elle s'installa donc à gauche du jeune chauffeur après avoir ouvert la portière côté voyageur, son petit sac plastique entre les jambes et l'autre sur les cuisses. Aussitôt attachée, elle voulut se tourner vers lui pour le remercier mais fut plaquée à son siège par son démarrage en trombe. Il ne conduisait certes pas de Ford ou de Corvette américaine mais sa charmante petite création locale en avait dans le moteur. Tariki se demanda si elle avait bien fait de monter dedans, d'autant plus qu'il démarrait avant même de lui demander où aller. Il lui fit sans attendre de saisissantes tirades sur la criminalité de l'archipel. Elle qui deux heures plus tôt vantait l'humanité protectrice et fraternelle de leur patrie à son premier chauffeur, se sentit tout à coup très mal à l'aise et passablement agacée par ce comportement. Machisme, poudre aux yeux, menaces, l'étranger cumulait les points négatifs en un temps record et l'accotement qui s'éloignait rapidement dans le rétroviseur lui paraissait soudainement bien plus sécurisant que l'habitacle où elle se trouvait désormais. Malgré l'affolement dans sa cage thoracique et la gloire silencieuse qu'elle adressa à sa bombe lacrymogène, Tariki se raisonna lorsqu'il lui demanda enfin où elle désirait aller.

Regarder les événements sous un autre angle était nécessaire. Elle doutait qu'il l'ait réellement confondue avec une prostituée, sa remarque était délibérément blessante et provocante. Elle soulignait le besoin de se placer comme étant le plus fort, lui-même lié à l'insécurité réelle de la personne. Sa déclaration sur la qualité de la voiture démontrait un désir de briller par la possession, il devait chercher à impressionner autrui par l'argent et l'acquisition, et ceux qui mettent en avant les moyens matériels sont la plupart du temps mal dans leur peau ; eux ne sont pas assez bien pour le monde, ils compensent par la possession de biens impressionnants et exigeant le respect. Quant à son observation sur la criminalité, peut-être correspondait-elle en fait à une façon de dire "Tu as de la chance d'être tombée sur moi qui ne te fera aucun mal car je ne suis pas comme tout le monde", très vite suivi par "Tout le monde fait mal". Tariki avait là un jeune adulte vraisemblablement mal dans sa peau et en quête de reconnaissance. Pour peu qu'il ait passé une sale journée, elle se retrouvait victime d'une violence qui ne lui était pas destinée. Le premier abord n'était engageant en rien et elle l'aurait volontiers engueulé pour son attitude des plus horripilantes ; mais elle souhaitait vivre un voyage agréable quitte à ce qu'ils n'échangent pas un mot. Qui plus est, face à un spécimen de ce genre, il valait mieux la jouer fine. Méfiante, elle en effaça pourtant toute trace sur son visage qui forma un sourire en sa direction.

"- Puisque vous n'êtes pas comme tout le monde, je vais faire appel à votre bonté en vous demandant de me déposer à Tokyo-centre, s'il s'agit de votre destination. Autrement n'importe quelle grande aire d'arrêt fera l'affaire, je ne veux pas abuser de votre gentillesse. Par ailleurs, merci de m'avoir acceptée dans votre véhicule, vous me rendez vraiment service et pour vous remercier, je participerais aux frais d'essence."

Sa voix claironnait d'une honnêteté qui se voulait déstabilisante. Deux lectures à cela : au grincheux qui s'était levé du mauvais pied et qui avait accumulé les ennuis durant la journée, une sincère déclaration de remerciements qui pouvait calmer ses irritations. Au malpoli dont la nature obligeait la mauvaise conduite et l'effarouchement, une mise en garde du fait qu'elle pouvait également provoquer mais d'une façon bien plus intelligente. Dans tous les cas, elle espérait par ses mots lui indiquer qu'elle ne désirait rien d'autre qu'un voyage tranquille, duquel elle sortirait indemne. Sa main tout de même prête à se faufiler dans son sac pour saisir la bombe de gaz, elle baissa la tête pour le saluer convenablement.

"- Takara Tariki, enchantée. Merci de prendre soin de moi."

Peut-être en faisait-elle trop, incapable de se retenir de le défier encore un peu car intimement, elle était convaincue d'avoir affaire à ce genre de personne qui se complaît dans le malaise d'autrui. Quelque chose émanait de l'inconnu et s'il y avait une couleur pour le définir, c'était noir. Elle se redressa et lui adressa un nouveau sourire en le regardant droit dans les yeux.


Dernière édition par Takara Tariki le Lun 20 Avr - 21:52, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptyMer 15 Avr - 7:37

Roadtrip
Ces ténèbres ont-elles un nom ? Cette cruauté, cette haine... d’où nous viennent-elles ? Se sont-elles introduites dans nos vies à notre insu ou sommes-nous allés les chercher délibérément ? Qu’a-t-il bien pu nous arriver ? Pourquoi jetons-nous nos enfants dans le chaos du monde, comme de jeunes soldats dans l’enfer de la guerre ? Nous espérons qu’ils nous reviendront sains et saufs, mais nous savons très bien que certains seront sacrifiés en route. Depuis quand avons-nous perdu la voix ? Enveloppés par les ombres, engloutis vivants par les ténèbres. Ces ténèbres ont-elles un nom ? Et si ce nom... c’était le vôtre ?
Je roulai sur la route en gardant une seule main sur le volant. Les panneaux verts se succédaient comme les nombreuses saisons sur la terre aride du capitalisme. Je ne peux pas vraiment le formuler autrement. Notre terre japonaise est devenue un monstre se rassasiant des restes des investisseurs ainsi que des entreprises qui ne se parvenaient pas à se hisser au sommet du monde. On se croirait dans un Marunouchi national où la seule chose qui comptait devenait la monnaie.  Les yens tombaient comme des confettis quand un adversaire coriace parvenait à chuter dans les ruines de son propre royaume. Le monde des affaires est une terre bien plus cruelle que la mienne. Les hommes y défilaient dans des costumes noirs comme si des funérailles pourraient survenir à tout moment. Cela était bien le cas. On attendait impatiemment que le concurrent soit forcé de vendre ou de se retirer. Les billets dont la couleur était pourtant si terne devenaient alors les plus beaux des serpentins.  Un carnaval dont nous ne pouvions soulever les masques et dont nous étions indéniablement et éternellement prisonniers.

Je jetai un œil sur les panneaux avant de détourner le regard vers toi. Tu avais paru bien dédaigneuse en me voyant sur le bord de ton chemin. Tu aurais probablement souhaité une personne plus intéressante que moi. Je suis seulement le roi sans couronne qui crachait sur son royaume. Je suis un spectre portant la mort comme son sceptre. Tu te recroquevillais au fil de mes paroles avant de soudainement te détendre. Je me mordis l’intérieur de la joue pour ne pas montrer ma hargne. Je déteste ces gens qui tirent le meilleur parti des mauvaises situations. Kiyoshi Teppei serait toujours le meilleur exemple. Les personnes pensant que les choses pouvaient changer par une simple pensée positive avaient tort.  Je suis un scientifique et je devrais probablement prêcher la raison. Je ne sais pas pourquoi cette peur vient déconcerter mes veines. Elles se dilatent comme des serpents incertains. Il y a quelque chose qui nous contrôle. Il y a une instance supérieure qui nous manie comme nous manions les personnages de nos mondes virtuels. Cela me tétanise de penser que je ne suis pas le seul maître de ma vie. Je ne peux plus en respirer. Ma poitrine se contracte alors que mes yeux piquent. Je déconne. Idiote. Je suis le seul qui peut contrôler les cordes de mon existence.

Personne ne prendra mon âme.  


Tu me faisais un horrible sourire. Je ne sais pas si cela est possible de pouvoir être défiguré par le bonheur, mais ce serait probablement le terme que je choisirai pour décrire ton expression. Tes sentiments paraissaient faux.  Je ne sais pas si cela est simplement moi qui ne suis simplement pas capable de pouvoir exalter mes sentiments comme toi ou si tu es une sorte de point singulier sur le graphique des existences en fonction du temps. Ta voix claironnante appelait à la sincérité du kanji qui donnait naissance à mon prénom. « Puisque vous n'êtes pas comme tout le monde, je vais faire appel à votre bonté en vous demandant de me déposer à Tokyo-centre, s'il s'agit de votre destination. Autrement n'importe quelle grande aire d'arrêt fera l'affaire, je ne veux pas abuser de votre gentillesse. Par ailleurs, merci de m'avoir acceptée dans votre véhicule, vous me rendez vraiment service et pour vous remercier, je participerais aux frais d'essence. »  Je dois saluer le fait que tu ne manques pas du moindre esprit. Cela fait un bon bout de temps que je n’avais pas rencontré de personne capable de me tenir tête. Ta main trainait encore dans ton sac comme si elle avait agrippé quelque chose. Ça en devenait énervant. Les filles dans les livres trainaient parfois une arme dans leur sacoche au cas où elle tomberait sur effronté inconnu. Nous ne sommes que dans le cinéma mouvant de nos persistances.  « Takara Tariki, enchantée. Merci de prendre soin de moi. » Je me suis probablement inquiété pour rien. Tu connaissais la politesse japonaise. À penser que tu aurais pu me sortir quelque chose de plus amusant. Le voyage ne faisait cependant que commencer. Michel Poiccard ne se serait jamais laissé entrainer dans une aventure de stop si la fille ne rentrait dans dans ses standards de beauté. Me voyais-tu comme ce vandale qui voulait fuir à Rome, la ville des nouvelles, la ville éternelle ?

Je souris. « Takara Tariki. On dirait un nom d’héroïne de manga. » La route défilait autour de nous comme dans une peinture impressionniste. Je pris une pause avant de continuer sur mon habituel ton brocardeur. « Ce sera juste Tariki-chan alors. Mon nom est Hanamiya Makoto. Enchanté de te connaître. Je prendrai bien soin de toi. Ne t’en fais pas le moindrement. » Je jetai un oeil en quoi à ce qui se trouvait sur tes genoux. Par contre, tu déposes ce sac. Ta main traîne dedans depuis tantôt au point que cela en devient déconcentrant. Je suis pratiquement certain que ce ne sont pas des confiseries qui s’y cachent… je me trompe ? »  Je pointai du doigt mon sac à dos qui trônait en avant de ton siège. « Tu trouveras dans mon sac une barre de chocolat.  Tu dois avoir faim. Tu peux fouiller, je n’ai absolument rien à cacher. Ne prête pas attention aux livres. J’étais aux portes ouvertes de Teikyo. J’aurais pu tout aussi bien me tirer une balle, je serais parvenu aux mêmes résultats. » Je grommelai. Maudites portes ouvertes faites par des gens ayant un esprit plus hermétique que les pots de confitures les plus farouches. Les adolescents étaient ces baies enfermées dans un système scolaire ayant pour but de les rendre plus succulentes et attirantes. On préférerait toujours celui ayant réussi dans un domaine particulièrement fourchu de la science au pauvre détenteur de quelconque licence en art. On pouvait cependant avoir des bonnes surprises si on décidait pour une fois de goûter la nouvelle confiture aux ananas. Les fraises des sciences devenaient banales et leurs fruits ne peuvent prétendre avoir la même prise sur le monde que les ananas qui voient et qui continueront toujours de voir.

« Toi, Tariki-chan, que faisais-tu à Uenohara ? » Je venais de te confier les raisons de ma venue dans cette ville lumineusement obscure. Je ne pense pas vraiment que tu y sois venue faire le trottoir. Les gens ont besoin de catins partout dans le monde. Ce serait indigne de la traditionnelle héroïne de manga. Tu en as le style. Tu as cependant un quelque chose de complètement atypique. Cela n’a rien à voir avec ton look ou tes propos… mais quelque chose émanait de toi et si je pouvais lui donner une couleur, ce serait le doré. Je ne doute pas que tu seras certainement plus intéressante que mes camarades de Kirisaki.

crackle bones


Dernière édition par Hanamiya Makoto le Ven 8 Mai - 4:57, édité 2 fois
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Takara Tariki
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MessageSujet: Re: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptyLun 20 Avr - 21:51

Une héroïne de manga. C'était bien la première fois qu'on disait une telle chose de ses noms. Bien souvent, les gens qui les entendaient pour la première fois ouvraient de grands yeux, surpris par leur originalité et leurs significations. Il était déjà rare de croiser le nom de famille Takara, en lui-même porteur d'un grand sens ; Tariki ne sonnait pour eux aucunement comme un prénom. C'était un concept, une image, voire une expression au même titre que "crever d'ennui" ou "avoir la dalle". Mais jamais personne n'osait demander quelle mouche avait piqué ses parents pour qu'ils la nomment ainsi. Et c'est certainement ce qu'elle aurait ri au nez du jeune homme lorsqu'il lui révéla ses noms. Fleur, palais, vérité, ça en imposait niveau symbolisme. Elle ne pouvait donc douter de sa sincérité quand il promit de prendre soin d'elle. Restait à connaître ce que ces paroles cachaient sous leur forme policée. S'il ne paraissait pas du genre fréquentable, il ne manquait pas de civilité et Tariki ne se sentit pas menacée lorsqu'il lui demanda de lâcher la prise qu'elle avait sur son sac. Il devinait bien ce qui pouvait s'y trouver et elle l'interpréta comme une invitation à se détendre, comme s'il lui disait qu'elle n'aurait pas à en faire usage puisqu'il se garderait de l'attaquer. Elle lui laissa donc cette chance et éloigna ses doigts de sa bandoulière, qu'elle repoussa légèrement sur ses cuisses, pactisant ainsi avec lui : pas d'agression, pas de méfiance et vice-versa.

Quand il évoqua Teikyo, la jeune fille crut comprendre de quoi résultait sa mauvaise humeur et hocha silencieusement la tête. Elle avait entendu parler de cette université : un établissement réputé, tourné vers la science et la chimie. Le genre qu'elle ne saurait fréquenter même accrochée à ses plus grands espoirs. Ceux qui jugeaient sur les apparences auraient parié que le garçon n'y trouverait pas sa place à cause de son look mais les faits devaient être plus compliqués. Aux ouï-dires, les facultés nippones ne sont pas faciles d'accès : les concours d'entrées sont extrêmement sélectifs, surtout dans le privé, et généralement précédés d'une ou deux années de cours préparatoires. Tariki s'interrogea sur l'âge de son chauffeur. Il cherchait certainement un lieu d'études afin de poursuivre son cursus et le fait de vouloir rentrer dans une faculté de sciences démontrait qu'il possédait une intelligence pratique et logique, sans nul doute supérieure à celle du petit délinquant sans esprit dont il avait l'allure. Intriguant. Sans l'avoir lâché des yeux depuis sa présentation, l'adolescente jugea bon d'enfin regarder ailleurs. Elle ne voulait pas lui laisser deviner qu'elle le jaugeait. Son regard se concentra quelques instants sur le paysage défilant à vive allure. Allaient-ils au moins vers Tokyo ? À cause de son démarrage en trombe, qui l'avait étonnée autant qu'effrayée, elle n'avait pas pu voir les panneaux indicateurs et donc vérifier s'ils étaient sur la bonne route.

Pas encore tout à fait à l'aise malgré l'accord qu'ils avaient tacitement passé, la jeune fille réfléchit tout aussi vite que le véhicule s'éloignait d'Uenohara : elle voulait croire que Hanamiya la conduisait à bon port. Après tout, il revenait des portes-ouvertes d'un établissement renommé et avait tenté d'instaurer la confiance en lui proposant à manger. À elle de briser la glace. Elle inspira profondément, croisa ses doigts entre eux et s'étira les bras tout en arrondissant le dos.

"- Je reviens de Kofu en fait. J'ai passé le week-end avec une amie qui a emménagé là-bas. On a bien mangé, bien bu, bien ri et... bien d'autres choses."

Elle se fit rire elle-même en prononçant ses derniers mots. Du coin de l'oeil, elle surveilla les réactions du jeune homme. Son vocabulaire avait nettement changé, sa façon de parler également, laissant entendre son accent typique du Kansai et sa véritable personnalité.

"- J'ai fait du stop pour venir jusqu'à Uenohara. C'est ma faute : j'ai dépensé plus que prévu et je n'ai plus assez pour payer le train. Mais au fond ça ne me dérange pas. C'est chouette de faire du stop, on rencontre des gens sympa. Mais dis donc, il faut un sacré level pour rentrer à la fac d'Ueno. C'est bien une fac de sciences, non ? Je ne sais pas si tu comptes t'y inscrire mais si c'est le cas, bon courage !"


C'était dit sans arrière-pensée. Elle venait de rentrer au lycée et c'était à ses yeux un événement fort de sens. Elle avait dû batailler pour le faire : retrouver la foi, l'envie d'étudier, la motivation d'apprendre et de se cultiver après presque un an de dépression. Elle ne parvenait qu'avec peine à imaginer comment finirait sa première année et n'avait strictement aucune idée de comment se déroulaient les suivantes. Obtenir son diplôme de fin d'études représentait un but extrêmement lointain. Son rapport au temps avait été chamboulé par l'annonce de sa maladie. Se projeter dans l'avenir lui était devenu presque impossible pendant de très longs mois, et ce ne fut qu'en franchissant le portail du lycée lors de la cérémonie d'ouverture qu'elle avait pu, enfin, recommencer à s'y plonger un tant soit peu. Tariki avait encore du mal à prolonger mentalement sa vie au-delà de quelques mois. Il lui semblait pouvoir mourir à tout instant. Alors l'université ou quoi que ce soit qui y ressemblait faisait partie du domaine de l'imaginaire. Presque de la science-fiction. Vivrait-elle suffisamment longtemps pour, comme Hanamiya, rechercher un avenir potable ?

Voilà pourquoi elle n'avait pas hésité à quitter Tokyo pour un week-end. L'occasion s'était présentée à cet instant précis ; si elle avait attendu un moment plus propice, plus confortable pour ses révisions et ses finances, peut-être sa santé l'aurait empêchée de partir. Elle était en pleine forme, les tests lui en assuraient une bonne malgré la maladie ; il n'y avait donc aucun risque qu'elle périsse du jour au lendemain. Seulement, la jeune fille avait la conviction que si elle attendait pour faire les choses, elle n'en aurait plus jamais l'occasion. Il lui fallait répondre à ses désirs dans l'immédiat au risque de quitter ce monde avec des regrets. En découvrant Hanamiya, elle avait pris peur que cela n'arrive dans les pires conditions. Quitte à mourir jeune, elle souhaitait le faire de façon théâtrale et glorieuse ; pas dans le sang et les tripes sur la banquette arrière d'un jeune yakuza après un viol brutal. Si son imagination ne lui permettait plus d'envisager l'avenir de façon claire, elle lui offrait parfois de grandes frayeurs, et en y repensant, elle se sentit bête. Si bête d'ailleurs qu'elle accepta la précédente invitation du garçon à manger pour lui montrer qu'elle lui faisait confiance.

Elle fouilla dans son sac en plastique pour en sortir le bento qu'elle avait acheté. Après avoir extrait les baguettes en bambou de leur petit emballage de papier, elle les cassa et se félicita de l'avoir fait correctement. Pas de malheur prévu.
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MessageSujet: Re: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptySam 9 Mai - 7:07

Roadtrip
Ces ténèbres ont-elles un nom ? Cette cruauté, cette haine... d’où nous viennent-elles ? Se sont-elles introduites dans nos vies à notre insu ou sommes-nous allés les chercher délibérément ? Qu’a-t-il bien pu nous arriver ? Pourquoi jetons-nous nos enfants dans le chaos du monde, comme de jeunes soldats dans l’enfer de la guerre ? Nous espérons qu’ils nous reviendront sains et saufs, mais nous savons très bien que certains seront sacrifiés en route. Depuis quand avons-nous perdu la voix ? Enveloppés par les ombres, engloutis vivants par les ténèbres. Ces ténèbres ont-elles un nom ? Et si ce nom... c’était le vôtre ?
Un couloir de vitesse se couchait devant moi alors que mes mains se refermaient sur le volant de cuir. Il ne se tassait pas sous mon toucher comme si je tenais la vie et la mort dans des lances mouvantes. Cela est probablement le cas. Il me suffirait de tourner le volant pour nous plonger dans les limbes de ce monde. On utiliserait en psychologie le terme « appel du vide » pour décrire ce phénomène. Ce désir incommensurable de sauter dans le vide ou de faire un acte qui attenterait à notre vie. Ce désir de se plonger au cœur des océans les plus profonds sans jamais revenir à la surface. Il réside dans le cœur de tout individu. On a tant de pouvoir entre nos mains. Nous en rendions-nous simplement compte ? Il nous suffirait de faire le pas nous séparant du précipice pour devenir le précipité de quelconque expérience divine. On est les restants de la racaille du monde. La seule immortalité dont nous pouvions jouir était celle qui consistait à vivre dans les mémoires des autres.

On vivait au travers de nos interactions sociales.


Je ne suis probablement pas différent des hommes de ce monde. Les liens qui se tissaient entre nous comme la soie des arachnides me prouvaient que je suis tout aussi prisonnier de ma condition de mortel que les autres humains. Tu avais fini par retirer ta main de ce sac qui devenait vraiment déconcentrant. Nous avions tacitement fait un armistice. Ton sac reposait sur tes cuisses et contenait probablement toute ta vie. Celle-ci se réduisait souvent à un appareil électronique ou une caméra pour la plupart des demoiselles. Je me demande ce que tu as dans ton sac et les souvenirs qui dansent dans le creux de ton cerveau. Tu avais hoché la tête en écoutant mon discours sur Teikyo. Un hochement de tête digne et vivifiant, propre à la personne qui écoute réellement ce que son interlocuteur lui dit. Je haussais un sourcil avant de reporter mon attention sur la route. Cette simple marque de compassion avait mis un peu de couleur dans ma vie. Elle en devenait pratiquement meilleure que la souffrance. Je ne devais apparemment pas me laisser impressionner par ta tenue de catin. On ne devait apparemment pas se laisser berner par la nature de ce que nous ne connaissons pas.

Mais on ne peut pas changer sa nature et je suppose que la mienne resterait comme elle est pour le restant de ma vie. Comme le scorpion en compagnie de la grenouille qui lui avait dit que la piquer résidait seulement dans sa nature. Changer qui on est une entreprise redoutable. Benacquista en avait fait un roman. Cela se résumerait en deux personnes jouant sur un terrain de tennis en se donnant comme défi de revenir comme une personne différente. Le dire ainsi est facile. Personne ne se rend compte de la complexité de ce pari. Tu paraissais chercher tes mots pendant un long moment avant de courber le dos. Une amie ! On me reprochait bien souvent cette position trop mauvaise pour mes lombaires. Tu sembles plus à l’aise que précédemment. Le fait que tu ne caches pas tes mains me le prouvait. Bien qu’hésitante, tu ne tarderais probablement pas à reprendre le contrôle de la discussion. « Je reviens de Kofu en fait. J'ai passé le week-end avec une amie qui a emménagé là-bas. On a bien mangé, bien bu, bien ri et... bien d'autres choses. »

Tu avais un accent du Kansai qui ressemblait à celui de Shoichi. Je maugréai dans ma barbe alors que je continuais de peser sur le doux accélérateur en laissant ma voiture rouler sur le goudron souillé de nos existences. Ta voix avait quand même un cachet qui ne me laissait pas indifférent. Il me suffirait de fermer les yeux pour que celle-ci deviennent une musique envoûtante. Les voyelles jouaient dans un staccato musical à la fin de chacun de tes mots pour paradoxalement prendre des épanchements quand tu concluais ton discours. Cette finale que tu donnais à ta phrase me laissait sur ma faim. Tu me partageais certains de tes bonheurs tout en les conservant jalousement. Cela était beau à voir. Ces moments secrets brillaient fort dans tes yeux. Je me laissais entraîner par ta voix alors que je continuais ma route.

« J'ai fait du stop pour venir jusqu'à Uenohara. C'est ma faute : j'ai dépensé plus que prévu et je n'ai plus assez pour payer le train. Mais au fond ça ne me dérange pas. C'est chouette de faire du stop, on rencontre des gens sympa. Mais dis donc, il faut un sacré level pour rentrer à la fac d'Ueno. C'est bien une fac de sciences, non ? Je ne sais pas si tu comptes t'y inscrire mais si c'est le cas, bon courage ! » Je me retournai vers toi en haussant un sourcil. Tu es différente des autres filles tout en leur ressemblant. Je ne peux retenir une petite raillerie. « Ma copine dépense toujours plus que prévu elle aussi. Je ne crois pas que tu dois avoir le moindre regret si tu as eu du plaisir à Kofu. Comme le dirait les jeunes de ce monde... yolo. » Les formes des arbres se dessinaient dans un tableau impressionniste devant moi. Tes assomptions étaient bonnes… mais il y avait quelque chose de plus complexe derrière celle-ci. Il y avait le souci qui teintait ta voix ainsi que son authenticité. Les personnes qui ont beaucoup vécu savent mieux panser les blessures que les autres. Tel le dépressif qui égaie les pièces de par ses rires. L'humour est l'arme du désespéré. La bonne humeur est l'épée de celui qui a baissé les armes.

« Je déconne. Je ne sais pas non plus si je compte vraiment aller en science. Je n’aime pas la façon dont on la transmet aux futures générations. C’est devenu bien plus un apanage de société qu’une discipline en tant que telle. Je ne sais pas pour toi, mais quand un élève est mauvais en maths dans ma classe, on l’enverra prendre des cours supplémentaires. S’il est mauvais en art, on lui dira que ce n’est pas grave parce que ce n’est pas tout le monde qui a ce don. » Je tendis le bras vers mon sac pour prendre un morceau de chocolat. Complètement noir sans la moindre dose de sucre. 100% cacao comme on le lirait sur les tablettes des supermarchés. Les gens ont peur de toute cette amertume. Comment la trouveras-tu ?

«  J’adore la chimie et les laboratoires. Il y a peu de choses qui sont aussi fascinantes que la découverte de nouveaux théorèmes. Je ne sais simplement pas si je veux prendre le risque de m’écorcher. » Ma langue tourne autour de ce mince carré qui se liquéfie sur mon palais La question qui se pose et à laquelle je ne peux jamais répondre : est-ce mieux de croquer ou simplement de se laisser emporter par cette rivière sucrée qui se mêlaient aux cascades de ma salive ? « Non, s’il y a un truc que j’aime presque plus que la science, c’est sans conteste la littérature. » On ne peut pas vivre dans un monde complètement structuré par la science ou aux formes bancales gouvernées par les plus chevronnés des artistes. Il faut parfois faire un équilibre. Le mien réside dans ces passions dipôles : science et littérature.

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MessageSujet: Re: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptyMar 12 Mai - 17:00

Sa copine ? L'adolescente n'exprima aucun geste de surprise mais son esprit se focalisa un instant sur cette déclaration. Cette fille devait être du même acabit que lui : de mauvais genre, peut-être superficielle. Tariki n'alla cependant pas plus loin que cette pensée, se rendant compte de son erreur. Bien au contraire, sa petite amie devait être une fille intelligente, qui aura certainement perçu sous l'apparente vulgarité du jeune homme ce qu'il cache de meilleur. Elle, venait de monter dans sa voiture et commençait à peine à échanger avec lui. Elle ne faisait encore qu'effleurer la surface de Hanamiya. Sa copine, elle, en savait bien plus à son sujet et avait trouvé du charme en lui. Elle se maudit pour ses précédentes pensées ; c'était elle qui avait fait preuve de superficialité. Un rire secoua ses épaules lorsqu'elle entendit le "yolo" lâché par son chauffeur. Elle ne se serait pas attendue à ce qu'il dise une chose pareille, ce qui ne faisait que souligner ses réflexions : juger un livre à sa couverture était la pire des sottises. Ce "yolo" le rendait vivant, presque attachant.

Tout alors qu'il parlait, la jeune fille commença à manger. Les quelques mouvements de la voiture ne l'empêchaient en rien d'utiliser les baguettes dont elle se servait pour apporter jusqu'à sa bouche un morceau de concombre, de champignon ou d'omelette. Bien que ses yeux se perdaient dans le paysage s'étendant autour du véhicule, ses oreilles demeuraient attentives aux dires du garçon. Sans se diviser, son esprit faisait à contrario une jointure presque automatique entre ses paroles et les formes qui défilaient. La métaphore de l'avenir et de la façon dont on le présentait aux jeunes personnes avait pour elle tout son sens dans la représentation de l'arbre : les adultes étaient les racines bien encrées dans le sol, assurées, solides, gorgées d'eau -l'éducation-, qu'elles faisaient remonter jusqu'aux branches où les enfants et adolescents se formaient en petits boutons prêts à fleurir grâce à cette eau et ainsi compléter le cycle du végétal. Seulement, comme le faisait remarquer Hanamiya, il y avait un soucis dans la circulation de l'eau. Les racines ne la transmettaient plus aux bourgeons de façon efficace. Était-ce leur faute, était-ce parce qu'elles étaient fatiguées, lassées par cette rude tâche ? Ou était-ce la faute aux bourgeons qui ne trouvaient plus d'utilité à cette eau et s'en référaient davantage au soleil, autre source d'énergie et d'évolution ? Était-ce un peu des deux ?

La réflexion laissa Tariki muette. Elle n'avait pas de réponse à ces questions. Les faits étaient là, elle en avait conscience mais respectait les plus cultivés et les plus anciens, porteurs de connaissances fascinantes. Elle avait néanmoins connu une période durant laquelle elle s'était révoltée contre ce savoir que l'on tentait de lui inculquer. Une période où seul son nombril comptait. La société japonaise n'était pas la plus conciliante du globe : très jeunes, les enfants étaient responsabilisés et l'on attendait d'eux autant de calme et de sagesse que d'un adulte. Les conseils d'étudiants au sein même des lycées en étaient la preuve. Les jeunes devaient se prendre en charge eux-mêmes et pour certains, c'était trop exigé car oppressant. La jeune fille, par le passé, n'avait eu que faire d'autant de devoirs et d'obligations ; elle avait été en quête de libertés. Il lui était facile de comprendre que même plus âgés qu'elle à cette époque, certains tournaient le dos à la transmission des connaissances, perçues comme des agressions à leur désir d'indépendance. Parallèlement, les éducateurs et autres adultes pouvaient facilement se lasser et de leur travail et de ce désintérêt. Face à des hordes de rêveurs qui levaient la tête vers les étoiles au lieu de la baisser vers les manuels, la lassitude ne pouvait que croître en eux. La communication et la passation s'en voyaient naturellement biaisées.

Lorsque le jeune homme évoqua davantage son propre sujet, Tariki cessa de regarder le paysage pour tourner ses yeux azurés vers lui. Lui confier son amour pour les sciences méritait toute son attention et la gratifiait. Un sourire étira ses lèvres au virage à cent-quatre-vingt degrés qu'il prit en avouant son affection de la littérature. Un seul mot qui lui évoqua beaucoup. Combien de temps avait-elle passé le nez dans les romans durant sa dépression ? Combien d'auteurs adulés pouvait-elle citer pour répondre au jeune homme ?

"- Je ne peux pas te contredire à ce sujet, je suis bien plus littéraire que scientifique. J'adore lire, surtout des romans de science-fiction. Hiroyuki Morioka, Sunao Yoshida, Asimov Isaac, Messac Régis... ce qui me fait penser que science et littérature ne sont pas incompatibles. Au contraire même, elles font bon ménage."

Elle lui sourit avant de mâcher une petite portion de riz. Avant même de l'avoir avalée, elle continua sans se soucier de l'aspect répulsif que parler la bouche pleine pouvait avoir.

"- On peut dire qu'écrire est une science : il faut connaître les mots pour savoir les utiliser et les placer correctement dans une phrase, savoir avec lesquels ils donnent un bel effet et avec lesquels ils rendent mal. Un peu comme des particules chimiques qui donnent de la matière quand elles s'entendent bien et qui peuvent exploser quand elles ne sont pas compatibles. Mais je dis ça comme ça, la chimie c'est pas mon dada. Je trouve ça fascinant mais mon cerveau a parfois du mal à comprendre le fonctionnement des choses."

Elle avala précipitamment pour de suite embrayer sur ce qui lui semblait le plus important. Comme pour souligner le poids de ce qui allait suivre, elle pointa du doigt vers Hanamiya.

"- En tout cas, je pense que tu devrais suivre la voie qui te motive le plus. Si tu as peur de faire une boulette en allant en fac de sciences, ne le fais pas et oriente-toi vers quelque chose qui te donne vraiment des ailes. C'est vrai que la chimie et tout ça c'est palpitant, mais ce que je veux dire c'est que la vie dépend de nos choix et il faut faire en sorte d'avoir un minimum de regrets. C'est ce que tu me disais tout à l'heure : il n'y a rien à regretter de mon escapade à Kofu puisque j'y ai passé un super moment. Même si les autres disent que c'est risqué ou que tu vas te planter, tu es celui qui te connais le mieux. C'est bien d'écouter les autres, ils ont beaucoup à nous apporter mais parfois, il vaut mieux écouter ses tripes. Alors si c'est vraiment la littérature qui te branche, qu'est-ce qui t'empêche de t'y tourner ?"

Tariki parlait avec assurance de ses convictions, absolument certaine de leur véracité et sans mesurer qu'elles pouvaient s'avérer intrusives voire déplacées. La jeune fille était convaincue qu'il fallait faire de sa vie future le meilleur endroit du monde et pour cela, il fallait prendre les meilleures décisions dans le présent. Hanamiya disait être passionné par la littérature, il lui apparaissait alors clair qu'il devait s'y engager afin de n'avoir aucun regret. Persuadée d'avoir agi de la meilleure façon qui fut, elle lui lança un regard complice.
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MessageSujet: Re: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptyLun 1 Juin - 5:50

Roadtrip
Ces ténèbres ont-elles un nom ? Cette cruauté, cette haine... d’où nous viennent-elles ? Se sont-elles introduites dans nos vies à notre insu ou sommes-nous allés les chercher délibérément ? Qu’a-t-il bien pu nous arriver ? Pourquoi jetons-nous nos enfants dans le chaos du monde, comme de jeunes soldats dans l’enfer de la guerre ? Nous espérons qu’ils nous reviendront sains et saufs, mais nous savons très bien que certains seront sacrifiés en route. Depuis quand avons-nous perdu la voix ? Enveloppés par les ombres, engloutis vivants par les ténèbres. Ces ténèbres ont-elles un nom ? Et si ce nom... c’était le vôtre ?
Les mots cachent plusieurs choses sous leurs armures de lettres. Chaque courbe recèle un amour fou pour les humains constituant ce monde alors que chaque droite montre que nous avançons dans un seul sens. Tout se joue horizontalement. Nous le faisons de la même manière alors que nous roulons en parlant de nos existences que ne nous ne pourrons jamais apprécier pleinement selon les adultes de ce monde. Ils disaient que nous ne comprenions pas la vraie douleur parce que nous étions encore jeunes. Mes dix-huit ans sont proches et je suis encore un enfant perdu avec des pensées similaires aux vagues jetées en ressac contre les flancs d'une falaise.  

Nous avions un pouvoir que ne détenaient plus nos aieux sur le bord de s'éteindre: nous pouvions remodeler nos vies. Le bébé qui naissait pouvait parcourir tous les chemins et apprendre toutes les langues. Mon destin avait fait en sorte que je sois né dans cet empire japonais où vivre est complexe. Chaque jour est une bataille où nous déployons les armées de professeurs particuliers pour se battre contre les exigences. Le seul moment de pause durant cette guerre se trouvait entre les dix-huit et vingt-cinq ans. Des enfants-adultes se paraient de milles couleurs pour vivre dans leur monde de fantaisies le temps de cette trêve. Je ne pouvais rien leur reprocher.

Beaucoup perdaient la vie parce que la pression était trop lourde sur leurs épaules. Se suicider est devenu normal. Connais-tu la forêt des suicides ? Aokigahara est un lieu qui me fait frissonner. Il se situe en bas du mont Fuji et je ne peux pas retenir un rire ironique quand je repense à ce lieu de culte. Je sais que cela est morbide et que je ne devrais pas. Même moi suis capable de piété dans les moments sarcastiques. Ne trouvais-tu pas cela ironique ? Il faut gravir la montagne pour accéder au noble titre de Japonais. On trouvait des gens de tout âge pour exécuter cette douloureuse ascension dans un éclat ecclésiastique. Les seuls qui ne parvenaient pas à y monter sont les morts qui gardent les montagnes. Ils ont failli à leur destinée.

Ils ne seraient jamais japonais.


On cache notre mal sous des femmes virtuelles aux corps disproportionnés ainsi que des voix nasillardes de prépubères plus adorables les unes que les autres. On savait pertinemment bien que nous étions prisonniers. Nous ne pourrons jamais prononcer certains mots et apprendre le français serait une tâche effarante. Comment prononcer le mot « œuf » alors que nous ne pourrons jamais trouver un équivalent en katakana ?

Tu continuais pourtant de manger ton festin sans te soucier de toute sa portée syllabique. Je suis content quand même de voir que tu es suffisamment à l’aise pour manger devant moi. Cela était quelque chose qui était abhorré dans le théâtre classique. Manger est un acte terriblement intime. Tu me permettais de te voir sous tes jours les moins ragoûtant, un morceau de concombre entre les dents. Je reportais mon attention sur la route sans retenir un sourire narquois. Encore une fois, nous étions prisonniers de notre culture. Tu te restaurais de plats typiquement japonais alors que je me mourrais pour des morceaux de salami trempés dans de la mayonnaise. Marre des algues et du thé vert.  

Mais la nourriture traditionnelle était seulement vraie dans son pays d’origine. Le Magi Burger tente de combler nos rêves américains en nous proposant de la viande entre deux tranches de pain ainsi que des paquets de pommes de terre si huileuses que cela en dégoulinait dans notre plateau. Mais ce ne sera jamais pareil. Ces restaurants qui nous proposaient de nous plonger dans une autre culture ne faisaient que reconstituer un élément comme le ferait des décors dans un studio de cinéma. Tout est factice. C'est un pansement sur une cicatrice.

Quand je te parlais de littérature, ta réaction était toute autre. Je savais que j’avais captivé ton attention au véritable sens du terme. Je ne sais pas quelle histoire tu partages avec cet art tout comme tu ne connais pas la mienne. On ne lit pas pour les mêmes raisons. Le simple fait de tourner les pages finit tout de même par nous rattacher aux pages du monde et ce sentiment est plus précieux que tout. La littérature permet aux gens de se rapprocher. Aussi méprisable que je pouvais apparaitre, il y avait une chose qui me plaisait plus que tout et cela était la cohésion entre les membres d'une communauté. C'est ce que tout le monde reconnaissait à Kirisaki Dai Ichi : son esprit d'équipe. On trichait, mais on trichait tous ensemble.  

« Je ne peux pas te contredire à ce sujet, je suis bien plus littéraire que scientifique. J'adore lire, surtout des romans de science-fiction. Hiroyuki Morioka, Sunao Yoshida, Asimov Isaac, Messac Régis... ce qui me fait penser que science et littérature ne sont pas incompatibles. Au contraire même, elles font bon ménage. »

Tu mâchais ton riz sans prendre la peine de mâcher tes mots. Les courbes de ces derniers pouvaient bien aller se faire voir. Tu les maîtrisais à la perfection et les redressais sans jamais leur donner le moindre sursis. Tu étais la dresseuse de cirque devant ces tigres affâmés, passant entre des anneaux de feu pour nos plaisirs de déséquilibre. Tu détruisais tout comme les ouragans et cette destruction avait un effet bienfaiteur, réparateur même.

« On peut dire qu'écrire est une science : il faut connaître les mots pour savoir les utiliser et les placer correctement dans une phrase, savoir avec lesquels ils donnent un bel effet et avec lesquels ils rendent mal. Un peu comme des particules chimiques qui donnent de la matière quand elles s'entendent bien et qui peuvent exploser quand elles ne sont pas compatibles. Mais je dis ça comme ça, la chimie c'est pas mon dada. Je trouve ça fascinant mais mon cerveau a parfois du mal à comprendre le fonctionnement des choses. »

Tu continuais ta mastication avant de me pointer du doigt. Ne t’inquiète pas. Je n’irai nulle part. Je ne compte pas échapper au poids de tes mots ainsi que leur délicieuse transparence. C’est redoutablement complexe de rencontrer des gens qui croient en leurs paroles. Tels mes parents qui me disaient d’avoir confiance en mes capacités. Ce sont des phrases toutes faites. À sortir du congélateur et réchauffer au micro-ondes pendant trois minutes.

« En tout cas, je pense que tu devrais suivre la voie qui te motive le plus. Si tu as peur de faire une boulette en allant en fac de sciences, ne le fais pas et oriente-toi vers quelque chose qui te donne vraiment des ailes. C'est vrai que la chimie et tout ça c'est palpitant, mais ce que je veux dire c'est que la vie dépend de nos choix et il faut faire en sorte d'avoir un minimum de regrets. C'est ce que tu me disais tout à l'heure : il n'y a rien à regretter de mon escapade à Kofu puisque j'y ai passé un super moment. Même si les autres disent que c'est risqué ou que tu vas te planter, tu es celui qui te connais le mieux. C'est bien d'écouter les autres, ils ont beaucoup à nous apporter mais parfois, il vaut mieux écouter ses tripes. Alors si c'est vraiment la littérature qui te branche, qu'est-ce qui t'empêche de t'y tourner ? »

Je restais penaud un moment. Quoi te répondre ? Qu'est-ce qui m'empêche d'étudier en lettres ? Nous jalousions souvent les oiseaux pour pouvoir voler dans le ciel et aller où bon leur semble. Nous sommes pareils. Je pourrais étudier dans tous les domaines que tu pourrais imaginer. Je suis un génie. Comme le dirait Baudelaire... mes ailes de géant m'empêchaient de marcher. Le monde se dressait devant moi. Je suis surqualifié pour tout. Je décidais d'aborder la question sous un autre angle. Les scientifiques testaient leur sujet et je revêtrai mon sarrau le temps des prochaines minutes. À nous deux dans ce débat des plus prometteurs.  

« Une grande auteure a dit ce qu’il fallait pour être un bon écrivain. La plume ne suffit pas. Il faut des couilles pour résister à la mauvaise foi de ceux qui nous entourent. Je dis toujours la vérité. Hanamiya Makoto. Fleur de la vérité. Je n’ai aucun souci concernant ce point. Il faut une bitte qui est le pouvoir de créer sans copier tous ceux qui ont vécu avant nous. La bitte a le devoir de se dresser contre le postmodernisme actuel. Nous pouvons toujours nous réinventer. » Je tendai la main vers ma barre de chocolat pour en prendre un nouveau morceau. « Il faut ensuite des lèvres pour humidifier les mots et taire ce qui ne doit pas être dit. Il faut l’oreille pour entendre, pour trouver les mots les plus puissants. Il ne suffit pas de battre des records de longueur pour être un bon auteur. Il faut toucher le cœur de son lecteur avec un mot unique. » Je croquai dans mon carré avant de continuer.

« Il faut finalement la main. La main, c’est pour se masturber, c’est pour écrire, c’est pour jouir. Si on écrit sans aimer, cela devient un fardeau incommensurable et un véritable cauchemar. Comme tu as dit, les mots sont des particules chimiques qui peuvent exploser quand on ne parvient pas à les maitriser. Ce sont des halogènes que nous trempons dans l’eau de nos larmes alors qu’on se dit : Je n’aurais jamais dû devenir auteur. Et je ne veux pas avoir ce regret. » Je concluais en te jetant un regard de biais, intrigué de savoir comment tu réagirais. Une fille typique me frapperait avec son sac à main en me hurlant de la laisser débarquer du véhicule. Qui parlerait de pénis pour justifier son amour de la littérature ? Toi qui étais unique en ton genre trouverais probablement un sens à mes paroles. Je suis ton Prétextat et tu es ma Nina.

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Takara Tariki
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MessageSujet: Re: Road Trip [PV Hanamiya Makoto]   Road Trip [PV Hanamiya Makoto] EmptyMar 9 Juin - 15:33

En croisant le regard peiné du jeune homme, Tariki se demanda si tout compte fait, elle n'avait pas dit quelque chose en trop ou de travers. Après tout, s'inquiéter de l'avenir et des passions d'un quasi-inconnu pouvait être très indiscret pour ce dernier. Elle espéra que le silence auquel il lui donna droit n'était dû qu'à sa réflexion et non au jugement. Lorsque finalement, Hanamiya reprit la parole, elle l'écouta avec attention, suspendue à ses lèvres pour capter la moindre subtilité de ses mots.

Les premiers lui parurent clairs : résister à la mauvaise foi. L'artiste, en tant qu'individu public, devait effectivement affronter la critique de quiconque assistait à ses oeuvres et rien ne les promettait à l'unanimité. Il y aurait toujours, parmi la foule, ceux qui aimaient et ceux qui n'aimaient pas. Sans compter ceux qui rentraient dans l'une des deux catégories, généralement la seconde, pour se donner un genre, malheureusement souvent sans comprendre l'essence-même de l'oeuvre. Ceux-là étaient les réels ennemis de l'artiste. Et il fallait assurément des armes pour contrecarrer leur acerbité. La jeune fille hésita entre humour et confusion lorsqu'il imagea ses propos à renfort de pénis dressé contre le calque d'une oeuvre à une autre, y préférant la réinvention. Une notion avec laquelle Tariki ne pouvait que moyennement s'accorder. Elle fronça les sourcils, le regard baissé vers le levier de vitesse ; plus pour plonger dans ses propres réflexions que pour admirer l'objet qui possédait néanmoins tous les arguments pour faire partie de la conversation : forme phallique et tourné vers les cieux.

Hanamiya dispersa d'autres allusions sexuelles au fil de son monologue, riche en justifications et aussi bien construit qu'une dissertation, mais qui s'acheva sur une note plombée, presque amère. L'adolescente releva ses yeux azurés vers les siens, teintés d'un petit elle-ne-savait-quoi de perturbant. Était-ce de la malice, de la défiance ? Savourait-il l'indiscutable fertilité de ses propos ou attendait-il avec impatience qu'elle lui réponde sur le même ton ?

Durant quelques secondes, seul le moteur du véhicule se fit entendre.

"- La vache, mec."

Tariki manifesta son éblouissement par une sorte de grimace étirant ses lèvres jointes vers le bas et rehaussant ses sourcils tout en hochant la tête.

"- En fait t'as raison : va pas en littérature. Tu pèses tellement que tu t'y ferais chier comme un rat mort !"

Elle émit un rire audible, mêlé de gêne et d'abrutissement, pour désamorcer la tension intellectuelle instaurée dans l'habitacle. Elle savait depuis un petit moment maintenant que Hanamiya était un livre qu'il ne fallait pas juger à sa couverture, mais il venait de la surprendre au plus haut point. Ses paroles propulsaient la littérature bien au-delà de la simple passion : elle semblait être pour lui un art de vivre, de penser et donc, de communiquer. Adossée au siège passager, la jeune fille reprit son souffle et rassembla ses esprits. Il y avait tant à dire à présent. Elle reporta son regard vers le garçon et lui sourit afin qu'il ne prenne pas mal son éclat de rire.

"- T'étais tellement à fond qu'on a dépassé la sortie pour Tokyo. On est reparti pour je ne sais combien de kilomètres avant la prochaine. C'est pas un reproche, hein. Tu m'as bluffée, ce que tu as dit était extrêmement intéressant. Cela-dit, j'aimerais revenir sur quelques points. Déjà : qu'est-ce qui t'oblige à être auteur si jamais tu vas quand même en littérature ? Ça mène à plein de débouchés comme le journalisme, l'édition, la communication, l'enseignement... et là coco, tu aurais toutes tes chances. Juré. Mais bon comme je l'ai dit, tu es le seul à savoir ce qui est réellement bon pour toi et t'as pas l'air du genre à aimer qu'on te dise quoi faire."

Quelque part, la jeune fille se sentait remise en place. Elle avait osé le mettre face à une interrogation vexant ses principes. Il était clair que Hanamiya y avait une réponse précise malgré ses aspects tordus. À l'entendre parler, elle le jurait effrayé à l'idée de faire partie des individus jugés sur la place publique pour leur passion sincère par une foule avide de mise à mort éhontée. Effrayé d'être mis à mal par des quidams incapables de le percevoir, lui, en tant qu'être vivant. Effrayé, finalement, de demeurer incompris et d'en souffrir. Sous les sourcils volontaires et les canines en pointes du garçon se cachait un être fragile qui n'avait pas aimé dévoiler sa vulnérabilité à sa passagère. Cependant, elle pouvait se tromper.

Hanamiya était flou, aussi profond que les abysses et elle avait l'impression de s'y noyer. Et malgré le désarroi, elle y prenait du plaisir.
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