[TERMINÉ] How long will you still follow me ? [PV Hiro]

Lullaby s'est isolée, comme bien souvent depuis son arrivée ici. Non pas qu'elle soit du genre solitaire, ou qu'elle n'ai pas d'amis à Rakuzan, au contraire. Je la vois souvent bien entourée, en train de rire de bon cœur. Mais, à cet instant, elle semble vouloir profiter d'un moment de calme avec elle-même. Elle a filé à l'anglaise, pendant que les filles de sa classe jacassaient. Au choix, à propos des nouveaux et nouvelles, soit pour fantasmer sur eux, soit pour descendre les possibles concurrentes ; ou alors d'Akashi-kun. Il est l'un des sujets de discussion préférés des filles. Lulla l'a déjà aperçu, mais toujours de loin, et elle n'a pas assez de courage pour aller lui parler. Faible qu'elle est, parfois. Je la vois s'empourprer chaque fois que la simple idée de lui adresser la parole la traverse. Cette fille est folle.

Elle gagne le toit, affrontant le froid et la neige rien que pour un peu de solitude. Les flocons s'accrochent à ses cheveux, et elle frissonne lorsque quelques un se déposent dans son cou ou sur le bout de son nez, rougit par la température glaciale. Des nuages de buée s'envolent dans l'air chaque fois qu'elle expire. Elle observe le paysage recouvert de son manteau blanc, un léger sourire aux lèvres. Je sais à quel point elle aime l'hiver, la neige et tout le reste. Lorsque j'en vois, je me souviens de nos batailles de boules de neige interminables, et les rhumes qui s'en suivaient. On se faisait forcément gronder par nos parents, mais on s'en fichait, et on reniflait, emmitouflées dans nos plaids devant la cheminée, une tasse de chocolat chaud à la main. Quels souvenirs doux-amers.

Je la vois qui retire ses gants, et les déposer sur la rambarde en béton qui entoure le toit. Je m'installe sur cette dite rambarde, et la regarde poser son téléphone portable sur ses gants et allumer la musique. L'instant d'après, elle glisse et tournoie dans la neige, yeux fermés, sourire aux lèvres. Je sais le sentiment qui l'envahit lorsqu'elle danse. Elle se sent portée ailleurs, loin du monde réel, elle vit vraiment, l'espace d'une chanson. Et je sais aussi à quel point cette chanson l'atteint, lui enfonce une lame dans le cœur, parce que c'était la notre. Un frisson me traverse, et ce n'est pas le froid.

Elle ne s'arrête que lorsque retentit la dernière note, et je vois les larmes au coin de ses yeux. La neige craque, sous des pas qui ne sont pas les siens, et elle a le temps d'entrapercevoir de qui il s'agit avant de se détourner. Elle essuie ses yeux, refusant que quiconque la voit pleurer, et range son téléphone. Elle ne prend même pas la peine de regarder le jeune homme qui se tient derrière elle, se contentant de s'accouder à la rambarde, après avoir rangé ses gants dans les poches de son manteau.

▬ Tu es là depuis longtemps ?

Je la vois retenir une grimace, et je pose ma main sur la sienne, devinant que sa hanche n'a pas aimé cette danse improvisée dans le froid, sans échauffement préalable. Mais elle ne laisse rien paraître. Elle s'adresse au jeune homme comme si de rien n'était. Elle n'a pas honte qu'il l'ai vue danser, mais pas sûre qu'elle aime être stalkée, toutefois. M'enfin, la connaissant, elle ne lui en tiendra pas rigueur. La preuve, elle change déjà de sujet.

▬ C'est beau, n'est-ce pas ? La neige.

Elle tourne la tête dans sa direction, affichant un sourire éblouissant. Ses yeux pétillent de malice. On dirait une enfant dans un magasin de jouet dans la semaine précédant Noël. Parfois, je me demande ce qu'il se passe dans sa tête. Même si, avec lui en face d'elle, et de la neige partout autour... ce n'est pas difficile d'imaginer ce à quoi elle peut penser. ... Non, pas ça ! Bande de pervers, tout de suite hein ! Tsk, décidément...

© Imaginary pour Epicode

Elle le regarde en coin, se demandant sûrement quand même l'espace d'un instant s'il l'avait vue danser ou non. Les cours lui manquent. Certes, elle peut encore s'adonner à sa passion autant qu'elle le veut, mais il lui manque quelque chose. Elle soupire, et se tourne dos à la rambarde, mais toujours accoudée à celle-ci. Les flocons lui tombent lentement sur le visage, elle les regarde tourbillonner vers elle, comme s'ils lui offraient un ballet charmant.

Elle s'autorise un léger rire à sa remarque. Ah, oui, la neige qui fond et devient une espèce de marre qui n'est ni vraiment de la neige, ni de la glace, ni de l'eau, mais un affreux mélange des trois, qui fait splash sous la semelle. Quelle horreur ! Je sais qu'elle partage mon avis. Je la vois qui dessine dans la neige qui recouvre la rambarde, du bout du doigt.

▬ Le monde n'est jamais plus beau que sous la neige, je trouve.

Elle regarde les cheveux pleins de flocons du jeune homme, et rit en venant lui ébouriffer sa tignasse. Pourquoi ? Juste parce qu'elle en a envie. Avec lui, elle n'est pas du genre à se prendre la tête. Elle agit selon son impulsion du moment, sans se demander comment il va interpréter son geste. C'est une sorte d'accord tacite entre eux. Aucun n'a jamais tourné la langue sept fois dans sa bouche avant de dire quoique ce soit à l'autre, aucun ne s'est interrogé pendant des heures sur les conséquences de tel ou tel acte. C'est quelque chose qui leur plaît. A voir si une relation pareille peut vraiment rester saine, sur le long terme. J'en doute, car parfois, ils frôlent l'ambiguïté de très près. On dirait des gamins, quand ils s'y mettent.

La preuve est là, lorsqu'il lui lance un énième défi, on ne peut plus prévisible. Je ne peux m'empêcher de sourire en le voyant jeter la boule sur Lullaby. Elle ne la touche même pas, mais la provocation a suffit à arracher un plus grand sourire à mon amie. Elle prend de la neige à pleine main, la tasse pour en faire une boule, et recule légèrement, sans lâcher le regard de son camarade. Toi, mon petit Hiro... Je crois que tu vas prendre cher !

▬ Cap.

La seconde d'après, la boule de neige vole droit vers lui. Elle s'enfuit un peu plus loin sur le toit, pour récupérer de la neige et en faire une seconde boule. Elle semble avoir totalement oublié la douleur à sa hanche, totalement revenue en enfance, dans une époque lointaine où son bonheur était encore intact. Le temps a bien passé depuis, et bien qu'elle sourit continuellement, je pense pouvoir dire sans me tromper qu'elle n'en est pas pour autant heureuse à chaque instant. Mais je pense que dire qu'en ce moment même, avec Hiro, elle s'amuse pour de vrai, ce ne serait pas une erreur.

▬ Eh, chou. Essaie de pas choper la crève, tu veux ? Je ne ferais pas l'infirmière !

Elle fait une petite moue, se demandant sans doute s'il ne serait pas plus sûr de rentrer, et de se mettre au chaud dans les escaliers. La voir s'inquiéter pour sa santé me fait rire. Elle sait être vraiment adorable quand elle le veut, même si elle le cache derrière des piques et des provocations. Il est facile de comprendre que, derrière son humour, elle prend très au sérieux le fait qu'il puisse tomber malade, par sa faute qui plus est.

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Mais c'est que t'es un comique, en plus de ça, Hiro, dis-moi... Elle le pire, c'est que tu la fais rire. Eh oui, vraiment, Lullaby le regarde avec un grand sourire aux lèvres, à la fois amusée un brin moqueuse. La situation l'amuse, entre ce jeu d'enfants, les remarques qui viennent d'en bas et l'humour décalé de son ami. On pourrait presque croire que le temps s'est arrêté, et a figé l'image d'un moment parfait. Peut-être qu'au fond, c'est ce que Lulla aimerait. Un instant fait des particules du bonheur le plus simple qui soit, qu'elle puisse le revivre encore et encore sans jamais s'en lasser. Et sans contrepartie.

▬ Ouais, la crève ça se mange.

Lulla ? Hyper mignonne en uniforme ? S'il savait... Elle affiche un air méfiant. Sans doute devine-t-elle qu'il vient de rajouter ce défi là sur sa liste mentale. Elle n'a plus qu'à trouver quelque chose à son tour, pour se venger le jour où elle fera forcée de s'habiller en infirmière pour lui -ou carrément pour quelqu'un d'autre. Allez savoir jusqu'où leurs idioties peuvent aller. Loin, très loin. N'est-ce pas ? Lulla, Hiro... Je suis sûre qu'au fond, vous savez où tout ça va vous mener. Ou alors, vous êtes vraiment des imbéciles heureux finis. Ce qui est fort probable, en fait...

Je recouvre mes esprits pile au moment où Lullaby se retrouve déséquilibrée par Hiro et tombe au sol. Elle crache la neige qu'elle a dans la bouche et lâche un cri à cause du froid, qui n'a pas tardé à s'infiltrer partout où il le pouvait. Je la vois qui frappe son camarade à l'épaule en pestant contre lui. Cette scène ne peut que provoquer mon hilarité. C'est définitif, mes chers, vous n'êtes que des imbéciles heureux. Je suis sûre que tout le monde autour de vous voit comment les choses vont finir. Tout le monde... sauf... vous, justement.

Lullaby tente de se relever, trébuche sur Hiro, et remange de la neige. Mon fou rire est incontrôlable. Je donnerais cher pour les voir passer à la télévision ces deux là. Elle grogne et abandonne l'idée de se relever, rampant dans la neige pour s'y allonger, à côté de son camarade. Les cheveux pleins de flocons, et les habits dans un même état, et trempés en plus, elle ne paye pas de mine. Mais elle a l'air de s'en foutre. Elle veut juste râler sur le coupable, apparemment.

▬ Toi, tu veux souffrir.

Un éclat de défi traverse son regard, et je me demande ce qu'elle mijote. Ce n'est pas difficile à imaginer, mais je veux savoir ce qu'elle lui réserve. Que peut-on faire avec de la neige ? Beaucoup trop de choses pour que je puisse le deviner par moi-même. Elle esquisse un sourire mauvais, et s'assoit en tailleur en observant son camarade.

▬ Cap ou pas cap de gueuler que t'adores faire l'amour à des mecs dans la neige ? Bien sûr, assez fort pour que tout ces braves gens en bas t'entendent.

J'hausse un sourcil. Elle est sérieuse ? Juste ça ? C'est faible. L'instant d'après, je comprends grâce à son regard que ce n'est que le début. Les défis iront crescendo. Evidemment. Comment ai-je pu douter d'elle un seul instant ? C'était tellement prévisible. Elle commence, il réplique, elle répond, il enchaîne, elle continue. Reste à savoir qui aura le dernier mot. Jusqu'à présent, tous les défis ont été relevés. Question de fierté. Mais jusqu'à quand ? Pour ma part, je mise tout sur Lullaby.

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L'air tout tristounet qu'il prend pourrait presque m'attendrir, si je ne voyais pas la lueur dans son regard. Il n'attend qu'une chose : que Lullaby lui trouve un défi à la hauteur, quelque chose d'assez marrant pour passer le temps et lui permettre en plus de ça d'enchaîner sur une vengeance immédiate. C'est un jeu un peu masochiste, au fond, car on ne sait jamais jusqu'où iront les défis, mais ils aiment se comporter comme ça ; comme des gens qui se foutent de tout et de tout le monde. Lulla, après que la vie ai choisi de nous séparer, n'avait besoin que de ça : quelqu'un qui saurait lui rendre le sourire, aussi simplement qu'un bonjour. Tout le monde s'était agglutiné autour d'elle, débordant de cadeaux, et de « Je suis désolé, mes condoléances » qui puaient l'hypocrisie à des kilomètres. Elle s'était retrouvée étouffée et cernée par son mal-être.

Elle ne se souvient plus vraiment de la façon dont elle a rencontré Hiro. Mais elle sait que, quelque part, le tout premier défi qu'il lui a lancé était silencieux, et qu'elle seule l'a ressenti, et a décidé de le relever. Pour lui. « Cap de te relever, de te foutre du monde, et de vivre ? » Il n'a certainement jamais pensé quelque chose comme ça. Mais c'est ce qu'elle a vu dans ses yeux la première fois qu'il l'a faite rire. Elle ne l'avouera peut-être jamais, mais moi je sais que c'est en lui qu'elle a trouvé la plus grande part de la force qui lui a permit d'avancer sans moi. Oui, il était vraiment ce dont elle avait besoin, lorsque son monde s'est écroulé. Et il paraissait évident, dés le début, qu'ils n'étaient pas prêts à se lâcher. Lulla ne connait personne d'autre d'assez m'enfoutiste pour se permettre tout ce qu'ils se permettent. Sûrement est-ce la même chose du côté d'Hiro. Au fond, ils sont la preuve que ce monde n'est pas encore cerné par la routine.

Il existe encore des fous qui pimentent leur quotidien avec des idioties qu'eux seuls comprennent. La preuve est là, sous mes yeux. Il minimise le défi, se relève, et s'avance vers le bord, je fais de même. Lullaby se relève peu après, retirant la neige de ses vêtements avant de s'avancer pour regarder en bas. Des gens, assis sur ses bancs qu'ils ont plus ou moins déneigés, d'autres qui discutent, debout. Personne qui ne s'amuse. A croire qu'ils sont tous de vieilles personnes aigries. Triste monde, quand même.

▬ Bande de coincés.

Elle a lâché ces trois mots dans un murmure plein de mépris et de dégoût. Quelque part, je la comprends. On ne cesse de les juger pour leur comportement parfois immature. Pourtant, parfois, on se demande qu'elle est le mieux entre rester un peu gamin toute sa vie mais s'amuser, ou être sérieux et devenir un vieux c*n. Pour comme comme pour moi, le choix est vite fait. Pour Hiro aussi, je suppose.

Il se met à crier, et elle sursaute. Il vient d'attirer tous les regards sur lui. D'en haut, on ne voit pas leur visage. On peut vaguement comprendre que personne ne rit, alors qu'Hiro se donne en spectacle, et ça la désole. Les commentaires fusent, négatifs. Tous. Mais elle s'en fout, elle est juste pliée de rire. Il l'a fait, et tellement bien en plus. Elle sent des larmes de joie lui monter aux yeux, elle peine à reprendre son souffle, et je suis plus ou moins dans le même état.

▬ Espèce de taré !

L'instant d'après, il lui lance un défi en retour, et elle se calme aussitôt. J'hausse un sourcil. Tiens, tiens, va-t-elle oser gueuler à tout va qu'elle veut coucher avec Akashi ? Je demande à voir. Je sais à quel point elle l'admire, et le craint en même temps. Sa réputation n'est plus à faire, ni à refaire, il faut dire. Toutefois, la fierté gagne toujours avec eux. Aussi, elle fait une boule de neige entre ses mains, et la lance à la figure de son camarade.

▬ Je te hais, Hirofumi.

Rares sont les fois où elle prononce son prénom en entier. Seulement lorsqu'elle veut faire croire qu'elle est en colère. Ce qui n'est évidemment pas le cas. On peut même voir un léger sourire sur ses lèvres. Décidément, avec eux, on ne sait jamais à quoi s'attendre.

Elle s'avance au bord, s'appuie sur la rambarde, et regarde à nouveau les gens en bas. Ils sont revenus vers leurs propres affaires, ne se soucient plus de l'idiot qui a clamé sa passion pour l'acte sexuel en pleine neige. Elle ouvre la bouche, sans qu'aucun son n'en sorte, et, pendant un instant, je crois qu'elle va renoncer. C'était mal la connaître finalement, puisque, après avoir pris une profonde inspiration, elle se lance.

▬ EH TOUT LE MONDE ! VOUS SAVEZ PAS QUOI ? Elle se tait, le temps que l'attention se reporte sur elle. JE VEUX COUCHER AVEC AKASHI, L'EMPEREUR DE CE LYCEE. PARCE QU'IL EST DIVINEMENT SEXY, JE LE VEUX DANS MON LIT. JE SUIS SÛRE QU'IL EST UN BON COUP, EN PLUS ! J'EN SUIS... TOUTE EMOUSTILLEE !

Et puis, elle s'écroule de rire, toute seule, alors que des soupirs s'échappent de la bouche des spectateurs. D'autres commentaires fusent « On s'en branle de leurs libido qui déborde, là », « Aucun respect » et d'autres du même acabit. Mais au fond, elle a l'air de s'en foutre royalement. Elle rit de bon cœur, assise dans la neige, le dos appuyé contre le muret. Elle renvoie une seconde boule de neige sur Hiro.

▬ T'es un putain de cas ! Son sourire s'agrandit lorsqu'elle reprend. Cap de gueuler à tout le monde de ne surtout pas s'aventurer sur le toit parce que tu comptes me prendre sauvagement dans la neige, et que c'est normal s'ils entendent des bruits ?

Elle lui tire la langue, moqueuse. Un jour, un des responsables du lycée va vous attraper et vous emmener dans le bureau du proviseur. Mais, au fond, je suis sûre que vous seriez prêts à vous lancer un défi même dans ces conditions la. N'ai-je pas raison ?

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Pendant un moment, lui aussi a du croire qu'elle n'irait pas au bout du défi, qu'elle se raviserait au dernier moment. Mais, finalement, sa fierté est trop forte. Et, même si elle savait dés l'instant où il lui a lancé le défi, au fond d'elle-même que, tôt ou tard, ça lui retomberait dessus, elle l'a quand même fait. A croire qu'elle ne connait pas de limites. Un jour, ça la perdra. Forcément. D'autant qu'elle n'était pas comme ça, avant. Au collège, elle était cette gamine faiblarde qu'on martyrisait, qui était seule parce qu'on avait détruit sa réputation, celle qui se faisait frapper dans un coin de la cour d'école. Celle qui pleurait sûrement en rentrant chez elle, le soir. Mais elle était aussi cette gosse au grand cœur qui protégeait ses ennemis. Elle m'avait protégée, alors que je l'avais détruite. Mais jamais, à cette époque, et ne se serait permis la moindre folie du genre. Jamais. Elle était discrète, studieuse, et passait tout son temps libre au basket ou à la danse. A la lecture, parfois, aussi.

Et puis, tout a dégénéré. Si Hiro l'a aidée -et c'est évident qu'il l'a fait- il l'a aussi entraînée -enfin, ils se sont entraînés- dans un jeu de provocation mutuel qui, un jour ou l'autre, risque fort de devenir dangereux. J'ai peur pour eux. Je sais bien qu'ils tiennent l'un à l'autre, et qu'aucun ne mettrait volontairement l'autre en danger. Mais les accidents et les contrecoups arrivent si vite. Elle n'y est pas préparée, elle ne s'y attend pas, l'idée ne lui effleure même pas l'esprit qu'elle prend des risques. Jusqu'au jour où elle se le prendra en pleine figure.

Ce jour là, Hirofumi, seras-tu encore là pour elle, comme tu l'es en ce moment pour lui lancer des défis qui la perdront sûrement ?

Folle, que tu dis. Crois-moi, mon petit, cet adjectif se décline aussi au masculin, rien que pour toi. Qui se ressemble s'assemble, comme on dit. Votre folie n'a d'égal que celle de ce monde qui ne tourne plus très rond depuis que l'Homme s'y croit tout puissant. Ah, une belle brochette d'idiots. Entre elle qui a, pour sûr, était entendue par l'Empereur, elle qui renchérit avec un nouveau défi, lui qui va pour le réaliser, et le monde d'en bas qui réagit d'une façon de plus en plus hostile. N'est-ce qu'à Rakuzan que les gens sont si... fermés d'esprit ? Il faut dire, cette école a la réputation d'être de haut niveau, beaucoup plus sérieuse que ces deux imbéciles heureux.

▬ Oh, monsieur fait son prude ?

Il se lance malgré tout. Cette fois, je ne ris pas. Il a été interrompu en plein milieu de son discours par la voix de quelqu'un que les deux décriraient d'un commun accord comme « rabat-joie ». Le chef des surveillants de Rakuzan. Un type qui savait s'imposer auprès de tous les élèves. Euh, à deux exceptions près. Mais est-ce vraiment une surprise d'apprendre que ces deux là n'ont, en plus, aucun respect pour la majorité des adultes de l'établissement ? Hiro provoque, Lulla s'avance et sourit, de l'air le plus adorable dont elle est capable. Et puis, l'air de rien, elle tire la langue. Et le surveillant a bien dû voir ce détail, puisqu'il fulmine d'autant plus.

▬ EXCUSEZ-NOUS D’ÉTALER AINSI NOTRE VIE SEXUELLE BIEN PLUS PASSIONNANTE QUE LA VOTRE !

Elle rit, lorsqu'il continue sur sa lancée, l'idée de la faire crier dans la neige. Quelque part, je suis sûre que cela ne lui déplairait pas. Il n'est pas difficile de voir qu'elle est bien plus proche du garçon qu'elle ne veut bien le faire croire. Et le pire, Hirofumi, c'est ce que tu ne vois rien de tout ça. Il lui prend la main, l'entraîne à sa suite à l'intérieur du bâtiment. Ni une ni deux, je les suis, me faufilant dans l'entrebâillement de la porte, juste avant qu'elle ne se referme. Il n'attend pas, avant de lui lancer un nouveau défi, et elle fait la moue.

▬ Cap. M'enfin, je modifie une clause du contrat : Cap ou pas cap d'échapper au Gorille et de se barrer du lycée pour aller squatter quelque part, au calme, genre... chez moi ?

Elle lui tire la langue, amusée, avant de récupérer sa main pour l'entraîner avec elle. Il a tout le temps de lui répondre pour contester sa proposition, puisque, de toutes façons, il y a encore les escaliers à descendre, et que leur salle de classe se trouve dans la même direction que la sortie. Lulla ne doit sûrement pas avoir envie d'aller en cours de mathématiques, et je la comprends. On n'a pas idée de mélanger des chiffres et des lettres. Et puis, l'idée d'être seule avec Hiro chez elle ne doit pas lui déplaire, non plus. Je souris intérieurement, songeant que non, elle n'est définitivement pas discrète. Les hommes sont-ils donc aveugles ?

▬ Chez moi, y'a des plaids, et des cookies, et des chocolats chauds qui nous attendent.

L'argument qui tue. A choisir entre un immense tableau noir couvert d'écritures illisibles et la chaleur du plaid avec cookies à volonté... Je ne sais pas vous, chers lecteurs -stalkeurs !- mais pour moi, le choix est vite fait.

Soudain, elle se fige, et se planque derrière des casiers, faisant signe à son camarade se taire. Des pas viennent dans leur direction, et elle entend fulminer. A la voix, elle reconnait sans aucun mal ce cher Gorille qu'ils essaient de fuir. S'ils ne se font pas attraper, je serais prête à croire qu'une bonne étoile veille sur ces deux imbéciles. Mais, je sens surtout la course-poursuite arriver à plein nez. Et il les suivra jusqu'en salle de classe, s'il le faut. Sécher et ne plus se montrer de la journée est peut-être bien la meilleure solution, pour le coup. Ah, ces jeunes inconscients.

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