Espoir et chagrin [Pv Akemi]

Elle n’aimait pas revenir ici, dans cet endroit qui l’avait accueilli pendant les quinze premières années de sa vie. Pourtant, elle n’avait pas trop le choix. C’était soit des visites régulières pour vérifier que tout allait bien et que son état de ne dégradait pas une fois de plus, soit un enfermement définitif, à nouveau. Et maintenant qu’elle avait gouté à la liberté, à la vie extérieure, Akemi ne voulait clairement plus revenir en arrière. C’aurait été trop lui en demander et sans exagérer, l’on peut même dire qu’elle en serait détruite par le chagrin. Du coup, elle se devait de supporter, sans rien dire, ces test de fiabilité de son métabolisme, quand bien même elle aurait préféré être loin de cet endroit maudit.

Heureusement, aujourd’hui, tout allait « pour le mieux ». Enfin, vu son état, il fallait surtout comprendre qu’elle n’avait pas régressée, surtout. Son corps continuait de la faire souffrir mais pour le moment, rien n’indiquait une nécessité de devoir retourner en chambre stérile, ce qui était, en soit, une excellente nouvelle. Surtout pour elle. Pour cette fois, c’était son plus grand frère qui l’avait accompagné. Ainsi, lorsque les examens furent terminés et que les résultats n’annonçaient rien de mauvais, Mahiro donna l’autorisation à sa petite sœur d’aller se dégourdir les jambes dans le complexe hospitalier. Elle le retrouverait à l’extérieur.

C’est de cette manière que la demoiselle se retrouvait à errer çà et là, sans vraiment avoir d’objectif fixe. L’ironie du sort, c’était que malgré son long enfermement ici, elle ne connaissait pas si bien les locaux que ça. Son unité de soin était à l’écart des autres et elle n’avait que très rarement eut le droit de sortir de la chambre stérile à cause de sa maladie dégénérative.

A cette époque, il n’aurait certainement pas fallut qu’elle tombe malade, même avec un simple rhume, c’aurait pu avoir de graves conséquences par la suite ! Elle priait pour que ce genre de choses ne lui arrive jamais plus. Une vie normale, ça ne devait être si compliquée à avoir, n’est-ce pas ?

Cependant, au détour d’un couloir, elle ne fit pas attention et bouscula, par mégarde, une personne. Heureusement, pas de chute à la clef, même s’ils étaient au bon endroit ou être soigné, cela dit. Se redressant convenablement, Akemi aperçue l’individu qu’elle avait bousculé ; un jeune homme au visage couvert de pansements et à la chevelure rouge. Elle ne put s’empêcher de s’imaginer le pire, bien entendu.

« Oh, je… vous vous êtes blessé à cause de moi ? Je suis vraiment désolée ! »

Elle assortie ses paroles avec une courbette respectueuse au possible. Encore trop ancrée dans un monde illusoire, l’Aoki ne voyait pas qu’elle en faisait encore bien trop. Seulement, elle, tout ce qu’elle voyait, c’était un garçon à l’air totalement perdu. Elle espérait que ce n’était pas de son fait.

Akemi ne comprenait pas bien ce qui était en train de se passer mais ce garçon, là, juste devant elle, paraissait on ne peut plus perdu. Que lui arrivait-il ? Il n’avait pourtant pas l’air d’avoir été blessé par la collision avec la petite demoiselle qu’était l’Aoki – il faut dire qu’elle n’était pas la chose la plus dangereuse qui existe, non plus -, alors quoi ? L’adolescente aurait bien voulu l’aider, mais comment ? Bien que très gentille, elle n’en était pas devin pour autant, loin de là. Alors, forte de sa volonté à toujours vouloir bien faire les choses, une fois qu’elle eut la confirmation que le jeune homme n’était pas lésé par son intervention assez inattendue, elle voulut lui proposer son aide.

« Euh, si vous voulez je … »

Trop tard, elle n’eut guère le temps de s’annoncer qu’une tierce personne intervint. Un homme, apparemment, à l’air paniqué et peu sûr de lui. Bien que cela ne la concerne pas, elle l’écouta quelque peu s’adresser au garçon en présence de sa personne. Oh, apparemment, sa maman avait eu un problème avec une voiture, ce devait être pour ça qu’il se trouvait ici, probablement ! La jeune femme naïve se sentit réellement triste pour lui ; d’autant qu’il ne semblait pas avoir eu accès à beaucoup d’informations. Le pauvre…

Mais elle pouvait agir, elle le pensait vraiment ! Aussi, gentille, comme à l’accoutumée, Akemi attrapa alors le garçon par la manche et l’entraina un peu plus loin, remerciant au passage, l’homme qui l’avait renseigné involontairement. Une petite course s’en suivit.

« Comment tu t’appelles ? Moi je suis Aoki ! Aoki Akemi ! »

Elle dut s’arrêter au détour d’un couloir pour reprendre son souffle, même s’ils n’avaient pas beaucoup couru. Elle devait se ménager et faire très attention à ne pas repartir en crise, sinon c’en était fini de sa liberté tant aimée ! Essayant donc de reprendre constance, Akemi voulu rassurer Kato, même si sa tête commençait à lui tourner quelque peu.

« Tu sais je… Enfin….. Puis-je utiliser le tutoiement ? »

Elle n’était plus trop sure d’elle, tout à coup, et cru bon de rajouter ;

« Je…Je suis hospitalisée ici depuis longtemps donc peut-être que je peux demander de l’aide aux médecins pour ta maman ! »

Bizarrement, là, dans l’immédiat, elle se sentait presque l’âme d’une super héroïne. Il lui en fallait bien peu, en effet.

« Mamiya Katô ? C’est un joli nom ! » Dit Akemi sur un ton plus joyeux qu’il n’aurait été permis de le faire.

Toute perdue qu’elle était dans sa contemplation du jeune homme juste en face d’elle, l’Aoki tâchait de réfléchir au mieux. Pourquoi parlait-il d’argent ? L’aide des médecins que la petite malade allait chercher ne nécessitait rien de tel ! Jamais elle n’aurait même pensé à demander une chose pareille alors qu’elle souhaitait simplement rendre service à son prochain ; pour se sentir utile, pour une fois. Essayant de chercher des mots appropriés pour rassurer son homologue, la demoiselle ne fit pas attention à une personne en blouse blanche qui arrivait vers elle à reculons, faisant rouler un chariot. Elle manqua de peu de se faire percuter, ne pouvant réprimer un petit hoquet de surprise.

Heureusement pour elle, alors que l’adulte allait râler contre l’individu ne s’étant pas dégagé à temps de son chemin – même si aucune blessure n’avait été à déclarer -, en se retournant, elle eut l’agréable surprise d’apercevoir un visage connu, ce qui étira sur ses lèvres trop pale un fun sourire ; denrée précieuse en ce bâtiment.

« Ca alors ! Aoki-chan ! Comment vas-tu depuis le temps ? »

C’était un infirmier qui avait toujours été gentil avec elle. Il s’occupait d’elle de temps à autre lorsqu’elle était encore confinée dans les chambres stériles où trop peu de personne avait la possibilité d’entrer. Cependant, bien qu’heureuse de le revoir – avec lui, elle pouvait toujours parler de ce qu’elle avait sur le cœur sans jamais se poser de questions sous-jacentes -, Akemi bouscula bien vite les banalités de conversations qu’elle pouvait avoir avec lui et s’empressa de lui attraper les mains avec la plus grande douceur dont elle était capable – ce qui, bien entendu, ne fut pas la tâche la plus compliquée, pour elle… - et avec ce genre d’immense sourire, toujours présent sur son faciès de porcelaine, qui la caractérisait tant, elle osa lui demander ce pourquoi elle était partie en quête d’une aide providentielle dans le but d’aider Katô au mieux.

« S’il vous plaît ! Pourriez-vous nous aider à avoir des renseignements au sujet de la maman de mon ami ? Nous sommes très inquiets pour elle ! »

Bon… Elle avait un petit peu menti, c’est vrai. Sans doute Mamiya-kun ne la voyait pas du tout comme une amie. Au mieux, une sale petite fouineuse qui se mêlait de ce qui ne la regardait nullement. Mais bon, ça, Akemi ne s’en doutait absolument pas, alors elle continuait sur sa lancée, comme si de rien n’était.

Avec un sourire affable et des manières aussi polies que courtoises, l’homme en blouse blanche rangea son caddie dans un coin et parti de l’autre côté d’un meuble standard, sur lequel trônait un puissant ordinateur. Comme il n’y avait aucun collègue alentour, il pianota dessus, devant les deux adolescents intrigués, pendant cinq bonnes minutes avant que son visage ne s’illumine enfin.

« Bonne nouvelle ! Sa maman est en salle de réveil, au bout du couloir central ! Apparemment, l’opération s’est bien déroulée. Akemi, je te laisse l’y conduire ?! »

En le remerciant chaudement, la petite Aoki reprit la manche de Katô et lui posa une question très certainement rhétorique avant d’entamer la marche.

« On y va, Mamiya-kun ? »

Elle avait vraiment l’impression de faire une bonne action en aidant ainsi Mamiya-kun, le guidant à travers l’hôpital ô combien complexe pour ceux qui n’étaient pas vraiment habitués à y venir. Cependant, l’avantage d’y avoir résidé pendant quinze longues années, c’était notamment de connaître la structure sur le bout des doigts. Chose que, pour une fois, l’Aoki savait faire. Trop contente donc de ne plus être pour l’heure une simple pièce que l’on peut bouger à sa guise, elle profitait de l’opportunité d’être la « chef d’expédition » pour mettre à profit ses connaissances. Pour une fois que ça lui servait !

C’est avec toute la douceur et la gentillesse du monde qu’elle guidait son nouveau camarade vers la chambre indiqué par l’infirmier un petit peu plus tôt. Les pas étaient lents, elle ne voulait pas risquer de brusquer le jeune homme ; il devait déjà être suffisamment en proie à des sentiments puissants pour ne pas en rajouter une couche. Ca, même si ça restait abstrait pour elle, Akemi pouvait le comprendre… un peu. Elle aussi aurait aimé que l’on agisse de la sorte pour elle s’il lui arrivait quelque chose de semblable – même si elle ne l’espérait en aucun cas, bien sûr.

Elle profita du parcours pour essayer de détendre un peu l’atmosphère, qu’elle sentait un peu tendue malgré la bonne nouvelle récemment obtenue.

« Mamiya-kun, tu es à quelle école ? Tu fais un sport en particulier ? Tu aimes quoi dans la vie ? »

Elle posait sans doute trop de questions, mais ça partait d’un bon sentiment. Elle ne cherchait pas à l’agresser mais à le détendre… même si elle avait de gros progrès à faire dans ce domaine, c’était clair et net !

Enfin, les deux adolescents parvinrent jusqu’à la porte fermant la salle recherchée.

« Je vais regarder à l’intérieur avant. » dit Akemi à Katô, comme si elle était Sherlock Holmes et lui Watson.

Sa curiosité lui fit ouvrir doucement la pièce de bois et elle jeta un coup d’œil discret à l’intérieur. Une femme était effectivement allongée dans un grand lit blanc. Sans qu’elle ne se l’explique, à cette vision, un frisson parcourue Akemi toute entière. Mais elle se reprit bien vite, ce n’était pas le moment de montrer ses angoisses !

« Mamiya-kûn, est-ce que c’est ta maman ? »

Elle lui laissa le champ libre, au cas où il veuille entrer dans la chambre à son tour. Elle n’avait pas franchi le seuil, ce n’était pas à elle de le faire après tout.