Jouer à la marelle [Haru - Shin]

Une belle journée, comme toujours depuis quelques jours déjà. Et qui dit beau temps, dit forcément bonne humeur. Tu as donc quitté la nid familial avec hâte pour le simple plaisir de pouvoir faire du skate. D'ailleurs, ça t'a tellement accaparée que t'es arrivée en retard en cours. Pour pas changer. Abonnée aux absents. T'avais pourtant promis de faire des efforts. Redoubler, c'est pas franchement réjouissant. Même si les autres de ta classe ont seulement un an de moins que toi, tu te surprends à les trouver plus... gamins. Ou c'est tout simplement parce que tu te retrouves dans ton petit monde. Bah, ils sont pas bien méchants dans le fond puisque tu t'es liée d'amitié avec eux. De toute évidence, tu ne tiens pas assez en place. T'as beau être la cousine de Daiki, ça fait pas de toi un être aussi grognon et acerbe que lui. Mais tu le trouves adorable. Oui oui, adorable. Bref.

Pour cause de retards répétés, on t'envoie donc en colle en fin de journée. Histoire de faire tes devoirs, et un peu de ménage tant qu'à faire. Ce qui te fait pas franchement plaisir vu le temps splendide qu'il fait dehors. Quand il pleut ou qu'il fait froid, tu squattes le gymnase pour regarder les basketteurs s'entraîner. Au fond de toi, tu aimes autant le bruit des roues de ton skate sur le macadam que le couinement des chaussures sur le parquet du terrain de basket. Mais ce sport n'est pas fait pour toi. Tu as des réflexes qui seraient inutiles en basket. Et puis c'est bien plus agréable pour toi d'observer un match que d'y participer. Toi tu donnes de la voix depuis les gradins. Mais passons.

Tu sors donc finalement un peu plus tard que d'habitude. Veste d'uniforme balancée par dessus ton épaule, nœud défait pendouillant autour de ton cou, et sac calé sur ton épaule, tu t'échappes déjà sur ta planche. Tu esquives les honnêtes citoyens qui regagnent leurs maisons après leur journée de travail, et les gosses courant partout, heureux. Tu t'arrêtes à ton coffee shop préféré, y commandant un chocolat chaud avec dose de chantilly et de copeaux de chocolat. Tu ressors bien assez vite, paille en bouche, te dirigeant vers le parc. Après l'effort, le réconfort comme on dit.

Tu arrives donc à destination et ce que tu vois te stoppe. Un pied à terre, l'autre au sol, tu observes le spectacle devant tes yeux, à l'abri des arbres. Une touffe rose violette qui joue... à la marelle ? Tu détailles la personne. Un garçon plutôt grand et bien bâti. Une silhouette plutôt familière. Tu restes stoïque, sirotant ton chocolat. Puis il sort un ballon de basket et tu aperçois son uniforme. Touhou. Tu finis par t'approcher, prenant ta planche sous le bras. Et tu le reconnais alors. En même temps, y a pas 50 mecs comme lui à Touhou.

« ...Shin ? »

Tu le regardes tête penchée sur le côté. Puis tu fais la navette entre la marelle et lui, esquissant finalement un sourire attendri et amusé.

« T'es retombé en enfance en voyant ça ? T'es mignon. » Coup d'oeil et sourire moqueur. « Tu ferais presque honte à Touhou tu sais ? Comment vont réagir les autres, je me le demande. »

Il est évident que tu ne diras rien à personne, mais tu veux voir sa réaction. Taquiner les gens est le but de ta vie. Après le skate et charrier Daiki et Momoi.

Il semble surpris de te voir. Ce qui ne te fait sourire que davantage. Shin c'est ce mec qui est trop adorable quand il est gêné. Enfin, tout le monde est adorable à tes yeux. Pauvre Shin.

« Ouais. Je joue à la marelle. Et quand tu regardes, ça serait bien pour l'entraînement ! Ça fait travailler les sauts, l'équilibre ... tout ça quoi ... »

Tu sirotes à la paille, sourcil haussé, main contre ta hanche, et planche de skate calée contre ta hanche également. Tes lèvres quittent ta paille tandis que ta tête penche légèrement sur le côté. Perplexe.

« J'imagine pas un seul instant qu'ils adhèrent. Surtout Daiki. Même s'il s'entraîne jamais. »

Ça le dégoûterait encore plus de l'entraînement, à coup sûr. Tu l'observes alors qu'il affiche un sourire se voulant confiant. Mais son regard traduit son anxiété. Tu émets un rire attendri, t'approchant. Ta planche rejoint le sol en douceur et tu lui accordes une tape sur l'épaule.

« Bon d'accord, ça craint. Maaaaaais c'est pas ma faute, les trucs de gamins m'attirent autant que le basket ! Tu sais, c'est comme ... les ... les menus enfants du McDo ? Avec les jouets débiles que tu mets une heure à monter ? »
« T'es sérieux là ? Ça va la foutre mal le jour où l'équipe décidera d'aller au MacDo. Partagé entre ton envie de menu enfant et de menu plus adulte. T'es adorable. »

Il est plus grand que toi mais tu te permets de glisser ta main dans ses cheveux pourpres, les ébouriffant de manière bienveillante. T'as tendance à prendre tout le monde sous ton aile. Surtout les plus jeunes. Même s'il n'y a qu'une seule année d'écart. C'est comme ça. Complexe de l'enfant unique qui aurait voulu être grand frère ou grande soeur.

« Dis rien aux autres s'te plait ... je me ferai charrier pendant des mois s'il savait. Tu veux ... tu veux que je fasse un truc pour toi pour que tu gardes le silence ? »

Tu l'observes un moment, sourcil arqué. La paille quitte de nouveau tes lèvres pendant que ton regard glisse sur le paysage autour de vous. Songeuse, tu finis par faire quelques pas, gardant ton silence. Puis tu te tournes finalement vers lui.

« Fais-moi un strip-tease. »

Silence durant lequel tu affiches un air très sérieux, déterminé. Puis tu éclates de rire en voyant sa réaction, revenant prêt de lui pour lui donner un coup de poing amical dans l'épaule.

« Détends-toi ! Je plaisantais ! »

Tu finis par poser tes fesses sur ton skate, l'observant, encore amusée par ta blague et sa réaction. Tu termines ton chocolat et déposes le gobelet au sol, prêt de ton sac. Ton regard se pose dans celui de Shin et tu esquisses un sourire, tournant les yeux vers la marelle.

« Rassure-toi, je ne le dirais à personne. Chacun ses petits secrets. Je suis pas du genre à répéter tout ce que je vois. Y a pas de mal à retomber en enfance de temps en temps. » Sourire rassurant. « J'ai encore quelques peluches que je sers contre moi quand ça va pas tu sais. Et j'ai pas honte. Du moment que t'assumes, y a pas de raison de te soucier de ce que pense les autres. »

Tu bascules le haut de ton corps en arrière, plaçant tes mains en soutien, tête dirigée vers la marelle. Léger sourire. Nouveau regard pour ton cadet.

« Tu veux que je me joigne à toi ? Au moins, on sera deux à être ridicules. » Tu te lèves, regroupant tes affaires près de celles de Shin. « Et personne n'oserait s'en prendre à Touhou voyons. »

Qui sait.