[Avec Takao Kazunari] Pour un ballon de basket

Avec Takao Kazunari

Pour un ballon de basket

"Est-ce qu'il y a une équipe féminine de basket à Shutoku ?"

Vingt-quatre heures à peine étaient passées depuis son arrivée à Tokyo, et déjà Alraun ne tenait plus en place. Ses parents avaient décidé de la faire arriver le vendredi soir afin de lui permettre d'avoir tout le week-end pour se préparer avant de reprendre les cours dans son nouveau lycée, mais aux yeux de la basketteuse c'était bien trop long. Elle avait déjà eu le temps de ranger toutes ses affaires, de faire des courses et de se renseigner sur les commerces de proximité. Résultat, elle ne savait pas bien quoi faire du reste de son week-end.

En temps normal, elle se serait rendue sur un terrain de basket avec ses amis afin d'y faire quelques un-contre-un voire des match amicaux ; mais pour l'instant, elle ne connaissait personne. Bon, il y avait bien Tari avec qui elle avait un peu renoué, mais elle se voyait mal lui proposer de jouer au basket de but en blanc alors qu'elles avaient seulement échangé quelques messages après trois sans sans nouvelles l'une de l'autre. Et puis si la brune était aussi peu intéressée par le sport qu'à l'époque où elle l'avait connue, il y avait assez peu de chances pour qu'elle accepte, de toute façon. Jetant un œil autour d'elle, elle décida finalement qu'elle n'avait aucune envie de rester enfermée et attrapa sa veste avant de sortir à la hâte. Elle aviserai quand elle serai dehors.

Une fois sortie du bâtiment, Alraun inspira profondément, s'autorisant un sourire. L'air était frais, mais il faisait beau. Des familles passaient à côté d'elle sans la voir vraiment, occupés qu'ils étaient à s'occuper de leurs enfants. Un gamin se faisait sermonner par sa grande sœur pour avoir tiré les cheveux de sa copine, tandis qu'un père de famille offrait un biscuit à une fillette un peu plus loin parce qu'elle disait mourir de faim (« mais on va manger dans un peu plus d'une heure ma chérie, alors un seul cookie, d'accord ? »).

Certains membres de ces familles devaient avoir son âge. Peut-être fréquentaient-ils Shutoku ? S'arrêtant soudainement, mue par une inspiration, la basketteuse se rendit compte qu'elle n'avait encore jamais vu le lycée qu'elle allait intégrer. C'était sans doute fermé pour le week-end, mais elle pouvait au moins aller voir à quoi ressemblait cet établissement, non ? Au moins, comme ça, elle connaîtrait mieux le chemin pour s'y rendre lundi.

Décidée, elle reprit sa marche, légèrement plus rapidement, enthousiasmée à l'idée de découvrir à quoi ressemblaient les lieux qu'elle allait fréquenter le plus dans les années à venir. Le chemin qui menait à Shutoku était assez chouette en lui-même. Des espaces larges, de grands arbres plantés à intervalles réguliers sur les trottoirs dans des quartiers résidentiels aux petites maisons à l'air chaleureux. Emprunter ce chemin deux fois par jour allait être agréable.

Lorsqu'elle arriva devant le bâtiment scolaire, le jour commençait lentement à décliner. Il devait être dans les alentours de 19h. Étonnement, la grille de l'école était ouverte. Pour un samedi, c'était curieux. Peut-être était-ce pour permettre à des clubs de pratiquer y compris le week-end ? Pleine d'espoir, elle entra dans le lycée à la recherche du gymnase. Avec un peu de chance, elle allait pouvoir s'y renseigner au sujet de l'éventuelle présence d'une équipe de basket féminine au sein de l'établissement ?  Elle espérait de tout son cœur qu'il en existe une, ça lui éviterait d'avoir à la créer.

Déambulant au hasard entre les bâtiments, le bruit caractéristique d'un ballon qui tape contre un sol plastifié se fit soudain entendre, accompagnés de cri dont elle ne saisissait pas le sens. Aucun doute, on s'entraînait. Se laissant guider par la rumeur des cris jusqu'à ce qui devait être le gymnase, elle entrouvrit doucement la porte, priant pour que son intrusion ne soit pas perçue comme une offense.

Quand elle s’aperçut que les personnes qui s'entraînaient étaient des joueurs de basket, elle ne pu s'empêcher de sourire. Ça allait faciliter les choses. Cherchant du regard un joueur qui ne serait pas trop occupé, elle s'avança timidement dans le gymnase. Elle crevait d'envie de jouer au basket, mais pour l'heure, se contenter de demander des renseignements lui semblait plus raisonnable. L'équipe qui s'entraînait n'avait certainement pas envie d'être perturbée par une nouvelle-venue. Tournant la tête, son regard accrocha celui d'un joueur aux cheveux noirs qui venait de s'asseoir sur le banc, une gourde d'eau à la main et une serviette blanche autour des épaules. Elle lui fit un petit sourire crispé, ne sachant pas bien si elle devait s'avancer pour établir un contact ou attendre qu'il vienne de lui-même lui demander ce qu'elle fichait là.

 

Avec Takao Kazunari

Pour un ballon de basket

"Est-ce qu'il y a une équipe féminine de basket à Shutoku ?"

Avec un soulagement manifeste, Alraun attrapa la balle qui lui était envoyée, savourant le contact rugueux de l'objet contre la paume de sa main. Bon, apparemment elle ne dérangeait pas, c'était une bonne chose. Le basketteur qui venait de l'aborder avait même l'air content de voir une nouvelle tête, si elle en croyait son babillage enthousiaste et son sourire dix mille wats.

Ouvrant la bouche pour répondre aux questions du brun, elle s’interrompit quand elle le vit tourner la tête et jeter un œil aux autres joueurs. La basketteuse suivit son regard plus ou moins consciemment et retint un hoquet de surprise lorsque ses yeux tombèrent sur une silhouette familière. Midorima Shintaro était dans la même école qu'elle. Avec une couleur de cheveux pareille, impossible de se tromper : c'était bien l'ancien vice-capitaine de Teiko. La métisse ne savait pas bien si elle devait se réjouir ou être mécontente qu'un tel hasard se produise. Pour l'heure, une telle découverte la mettait simplement mal à l'aise.

Plissant les yeux devant le haussement de sourcil désintéressé de l'arrière, les doigts d'Alraun se crispèrent involontairement sur le ballon. Midorima avait déjà un petit air condescendant quand elle avait commencé à entendre parler de lui et de son équipe, au collège, et force était de reconnaître que ça n'avait pas l'air de s'être arrangé avec le temps. Enfin... Ce n'était pas comme si elle le connaissait personnellement -lui ou les autres membres de la Génération des Miracles-, peut-être que le juger sur des à priori n'était pas très intelligent... Mais c'était plus fort qu'elle : une rancœur vieille de quatre ans lié au succès de Teiko qui avait invisibilité ses propres exploits sur le terrain l'empêchait de ressentir à l'égard du joueur ne serait-ce qu'une once de sympathie.

Oh certes, elle avait également énormément d'admiration pour l'adolescent aux cheveux verts et ses capacités qui, même si ça coûtait à la basketteuse de l'avouer, étaient impressionnantes. Mais Alraun avait peur. Elle craignait que Midorima n'affiche que du mépris à son encontre et elle savait qu'elle ne le supporterait pas. Bref, découvrir qu'un membre de l'ancienne équipe de Teiko était dans son lycée avait fait naître une appréhension sourde au creux de son ventre. Elle n'était pas prête à affronter une telle rencontre maintenant.

Priant pour que Midorima ne se soucie pas d'elle dans l'immédiat -elle leur montrerai à tous ce dont elle était capable plus tard-, elle se retourna vers le brun qui avait recommencé à enchaîner questions sur questions. Mince. Elle avait perdu le fil.

bafouilla-t-elle embarrassée

Se balançant d'un pied sur l'autre, mal à l'aise, elle lui fit un sourire crispé, espérant de toute ses forces qu'il n'ait pas remarqué son trouble. Après tout, il avait eu la gentillesse de s'adresser à elle avec chaleur, elle ne voulait pas le vexer.