Kasamatsu Family

Il n’aurait pu espérer une vie plus enivrant que la sienne. Pour sûr, il ne se voyait pas plaquer tout ce qu’il avait pour partir à l’aventure ou vers d’autres horizons quelconque, comme il avait déjà vu certain faire, par le passé. Non, définitivement, lui, sa vie lui convenait parfaitement. Il était marié depuis plusieurs années maintenant ; son ménage filait le parfait amour, il n’avait guère à s’en plaindre ! Certes, il y avait parfois quelques disputes, mais rien d’extraordinaire dans une vie de couple qui se respecte, après tout. Et puis, avec Takara comme femme, on pouvait deviner que les prises de becs entre eux existaient bel et bien.

Pourtant, en dépit de leurs caractères très semblables, ils s’accordaient très bien. Les parents de Yukio n’avaient jamais été plus heureux que le jour où il admit enfin qu’il sortait avec la Kurokawa, lorsqu’il quitta le lycée Kaijo pour entreprendre des études plus poussées. En même temps, c’avait créé des liens que d’enfermer la demoiselle dans son placard à balais, aussi. Karma saugrenu mais le résultat n’était guère déplaisant ; loin de là, même. Bon, il avait tenté d’expliquer à sa mère – ravie d’avoir la confirmation que son fils n’avait pas viré de bord, d’ailleurs – que la mésaventure n’était pas le point de départ de leur relation, en vain. Père et mère voletaient en cœur sur un petit nuage depuis cette annonce et prièrent leur fils unique de faire plein de jolis petits sourcils en pleine santé à sa chère et tendre.
Ce jour-là, Yukio avait cru faire une descente d’organes.

Mais il lui fallut reconnaitre que, le jour ou Takara lui annonça qu’elle était enceinte de lui – après avoir changé de couleur, bien entendu – il ne s’était que rarement senti si bien dans ses baskets. Même chose lors de la venue au monde de la petite merveille qui était aujourd’hui son fils. Il avait fait preuve d’un courage exemplaire et d’un mental d’acier que les infirmières saluèrent, mine de rien ! Oui, lui ne s’était pas évanouit pendant l’accouchement mais.. .après, quand on allait lui présenter le bébé ! Est-ce forcément mieux ? Mystère.

Cette petite rétrospective improvisée le fit sourire alors que ses yeux étaient toujours clos. Il se retourna dans son lit, profitant de la chaleur des draps pour se rapprocher de son épouse, venant coller son unité à la sienne. Il adorait son odeur, il l’aimait comme un fou. Chaque matin était presque émerveillement de la savoir là, juste à côté de lui. De se dire qu’elle était à lui, sienne et qu’il était à elle, sien. Nouveau sourire, il a envie de la prendre dans ses bras et… plus encore, même !

« Chérie… »

Il murmure lascivement en entre-ouvrant les yeux pour chercher le haut de l’oreille la plus proche avant de la mordiller un peu. Il est encore tôt, Ryouta doit certainement dormir profondément, autant en profiter un peu ! Ses mains partent donc en quête des zones sensibles de Takara, avec une douceur dont Yukio ne se serait jamais cru capable, dix ans auparavant. Il embrasse son cou.

« Bonjour… Bien dormie ? »

Un réveil tout en douceur.

On disait parfois, souvent même, que qui se ressemblent s'assemblent. Pour certains, c'était faux. Cependant, dans le cas de Yukio et Takara, c'était on-ne-peut plus vrai. Mariés depuis des années déjà, parents de l'enfant le plus adorable du monde – d'après sa mère en tout cas, et personne n'était assez fou pour oser contredire Takara sur ce point, sous peine de représailles sévères et d'un poing dans la gueule accompagné d'un glacial et tonitruant ''tu le trouves pas mignon mon fils, connard ?'' On ne plaisantait pas avec la progéniture Kasamatsu après tout – le couple filaient le parfait amour depuis tout ce temps.

D'autant que vu comment elle avait douillé pour le mettre au monde, le petit Ryouta, elle en prenait soin. La prunelle de ses yeux après tout. Quand elle l'avait serré contre elle la première fois – après avoir dû expliquer en long en large et en travers à Yukio que oui, c'était bien son enfant et que non, elle ne savait pas pourquoi il était blond mais on s'en foutait, c'est notre enfant alors aime-le putain !–, Takara l'avait tout de suite aimé, comme jamais encore elle n'avait aimé. Ryouta et Yukio était son Soleil et sa Lune, ses raisons d'être.

En effet, Takara considérait qu'elle avait eu la chance incroyable de tomber en amour avec son meilleur ami et filait depuis avec ce dernier ce qu'elle considérait comme la recette du bonheur véritable avec lui – ce qui impliquait des fous rires, des baisers, des instants du quotidiens et des petites crises en tout genre pour pimenter le tout et ensuite mieux se réconcilier dans les draps – pourquoi croyez-vous qu'elle cherche parfois le premier prétexte à la con pour engager les hostilités ? Qu'il rentre tard du travail c'était une chose, mais le bouchon de mayonnaise mal fermé, sérieusement ? Et pourtant Yukio tombait toujours dans le panneau – à se demander s'il était vraiment aveugle ou avait au contraire tout comprit et attendait les réconciliations avec la même impatience.

Takara émergea avec douceur des brumes du sommeil en sentant le corps de son tendre époux se coller contre le sien et ses dents venir taquiner son oreille. La jeune femme sourit doucement.

« Yukio... » ronronna la jeune femme. « Bien, même si la nuit fut assez courte. » rit-elle, en se remémorant leurs précédents exploits nocturnes. Les mains baladeuse de son mari s'égarèrent sur ses formes et la jeune femme en frissonna de plaisir. C'est qu'il savait ou la toucher pour achever de la réveiller totalement en plus, ce fourbe.

C'était ça qu'elle aimait avec Yukio surtout. Plus de dix ans déjà qu'ils étaient ensemble et pourtant elle restait amoureuse de lui comme au tout premier jour. Certes elle avouait qu'avec leur caractère respectif, lesquels ne s'étaient pas franchement arrangé avec la maturité, ils la jouaient parfois à la Mr & Mrs Smith, les flingues en moins – mais avec une poêle, ça marchait très bien aussi. Cependant, elle n'aurait pût rêver plus parfait compagnon.

Sentant les lèvres de Yukio contre son cou, la jeune femme abandonna toute résistance et se retourna sous les draps pour venir s'installer à califourchon sur le ventre de son époux, les cheveux dégringolant en cascade sur ses épaules et sa poitrine nues. Bah ouais, la nuisette s'était défenestrée dans la nuit, aidée à cette tâche par un Yukio impatient qui avait balancé le bout de tissu qui le gênait dans sa conquête du corps de sa femme en l'arrachant, avec les dents s'il vous plait, et en argumentant que de toute manières, elle n'en aurait plus jamais besoin puisqu'ils ne quitteraient plus jamais ce lit. Sur le coup elle n'avait pas vraiment protestée, bien trop occupée à gémir le nom de son époux pour s’inquiéter de la nuisette. Et puis, elle adorait – vous la sentez la petite pointe d'ironie là ? – aller faire la chasse à ses petites culottes éparpillées dans le jardin le lendemain à sept heures pendant que les voisins la matent en sirotant leur café.

Takara contempla un instant Yukio, se faisant la réflexion, pour la millième fois au moins, combien elle était chanceuse et amoureuse – et combien son mec était beau aussi ; l'effet sourcils sans doute. Ses mains s'égarèrent sur le torse de son époux, caressant sa peau et se posant sur son cœur, pour le simple plaisir de sentir les battements de ce dernier et savourer ce bonheur qu'elle n'aurait jamais crû pouvoir savourer ainsi, jour après jour.

« Chéri, je t'aime tu sais. » souffla-t-elle soudain dans un élan d'amour et de spontanéité qui la caractérisait bien, en se penchant pour déposer un chaste baiser sur ses lèvres – mais qui était annonciateur de galipettes bien moins innocentes pour la suite. « Et puisque tu m'as si gentiment tiré de mon doux sommeil, j'ai bien peur que tu doive prendre tes responsabilités maintenant. » ronronna la jeune femme.

Sa voix se fit taquine alors que ses dents venaient mordiller la gorge de Yukio et que sa poitrine se collait à son torse – ils en avaient fait du chemin depuis l'époque où il faisait une descente d'organes à chaque fois qu'elle le touchait et ou elle était une vierge innocente et naïve. En revanche, la poitrine de Takara n'avait pas vraiment évoluée depuis ses douze ans, toujours aussi désespérément plate – elle avait eu le plaisir de voir ses seins tripler de volume pendant sa grossesse, avant de revenir à leur taille normale, soit plats. Fort heureusement, ce n'était pas pour sa poitrine de transsexuel que Yukio l'avait épousé !

Responsabilités donc, qui impliquaient entre autre un usage intensif de sa langue, un concert de gémissements et un petit câlin du matin, parfait pour commencer la journée. C'était le moment idéal d'ailleurs, Ryouta était à l'heure actuelle profondément endormi dans son lit, rêvant innocemment – du moins il était censé l'être…

Le temps de faire quelques folies sur l'oreiller avec l'homme de sa vie, et Takara irait ensuite préparer le petit-déjeuner aux deux seuls amours de son existence.

D’abord, il crut qu’il allait mourir écrasé sans rien comprendre à ce qui venait de lui tomber sur le coin de la gueule. Puis il comprit et là, le brun songea que crever de honte était sans doute la seule option encore viable qu’il lui restait pour sauver le peu d’honneur qu’il lui restait.

Résumons.

Il allait s’adonner à une activité tout à fait sympathique en compagnie de son épouse – et tenter de négocier un petit frère où une petite sœur à Ryouta par la même occasion parce que papy et mamie Kasamatsu commençait à se languir d’un second lardon à cajoler – tout en étant absolument pas attentif à ce qui l’entourait. Sauf Takara parce que voilà, elle occupait, de toute manière, les trois quarts de ses pensées déjà à l’accoutumée ; donc bon.

Mais, parce que oui, il y a un « mais » avec ce putain de karma pas foutu de le laisser en paix cinq minutes pour qu’il respire posément, c’est qu’une « adorable » - qui ne l’était pas tant que ça, dans l’instant – petite tête blonde – oui oui, blonde ; la génétique et ses farces, sans doute – était venu se prendre pour un missile à tête chercheuse ayant pour mission d’atterrir sur le dos de sa mère et donc, par extension, de faire s’écrouler cette dernière sur le torse de son paternel.

Pas que Takara était spécialement lourde – à vrai dire, pas du tout – mais le choc et l’effet de surprise eurent plus de répercutions que le reste. C’est donc dans un « Urgh ! » sans aucune touche glamour, qu’on se le dise, que Yukio perdit de vue son objectif premier, à savoir prendre d’assaut les lèvres de sa femme.

Bon et puis de toute manière, la conception d’un Ryota bis était apparemment suspendue jusqu’à la prochaine sieste dudit petit. Mais ça n’empêchait pas que de se retrouver dans cette situation sans aucun vêtement sur lui et devant son fils de surcroît, ça le foutait extrêmement mal à l’air. Et encore, le terme était faible.

Surtout que bon, le petit blond en forme de poussin est bien mignon… mais bordel, il est curieux ! Beaucoup trop pour son propre bien ! Cela dit, Yukio ne pouvait pas trop gueuler – de toute manière son air semblait coincé dans sa gorge donc il devait déjà se rappeler de comment on respire, avant toute chose – mais son visage avait tout de même changé de couleur ! Voir les questions que le mioche posait, aussi. Comment était-il censé répondre à ça ?!

« Bah euh, tu vois fils en fait je…. J’aidais maman à respirer, voilà ! Je l’aidais à retrouver son air ! »

Bien, paie l’argumentation en plastique fondu, aussi. Mais c’est tout ce qui était venu en tête du Kasamatsu alors qu’il affichait un sourire gêné en direction de Takara. Hey, lui n’avait jamais été rodé à ce genre de situation ! Que l’enfant vienne parfois dormir avec eux n’était pas un problème, loin de là… Mais ça, non !

C'était pourtant tellement bien parti. Elle le voulait son câlin du matin en plus, et puis depuis le temps que Belle-Mère Kasamatsu lui demandait, encore et encore, pour quand elle était le prochain marmot. Une petite-fille qu'elle voulait la grand-mère en plus. Sauf qu'avec un gamin aussi énergie et collant que Ryouta, la conception d'un nouveau membre de la famille était malheureusement – encore – reportée.

Et donc voilà, karma pourri et dieux sadiques oblige, Madame Kasamatsu née Kurokawa – elle détestait qu'on l'appelle comme ça, parce merci bien, mais ça c'est sa belle-mère et bien qu'elle l'appréciait beaucoup, elle n'appréciait pas de porter le même titre pour autant, les souvenirs traumatisants de son adolescence et de sa rencontre avec Belle-Maman la pourchassant encore – n'eut donc le loisir de s'abandonner à l'ivresse de la luxure avec son mari. Parce que voilà, les Kasamatsu, ils avaient un fils. Un fils adorable, mais hyper-actif.

La jeune femme se congela sur place en entendant derrière elle les gazouillements de petit piou-piou de sa petite tête blonde favorite et sentit soudain un poids lui sauter dessus par-derrière et les fit s'écraser tous deux en plein sur Yukio alors qu'ils s'apprêtaient à entamer une danse bien particulière. Alors, tu la sens, la force de mon amour là ? Takara grimaça un sourire d'excuse à son cher et tendre qui avait servit de cousin d’atterrissage.

Elle parti ensuite en quête de quelques tissus pour cacher ses formes, car comme l'avait si bien fait remarqué son fils, elle était fort court vêtue – voir pas vêtue du tout même. Se penchant par-dessus le bord du lit, elle fouilla le sol parmi les vêtements éparpillés – merci Yukio et sa manie empressée, mais qui c'est qui rangeait la baraque après hein ? Takara finit par débusquer un t-shirt de son époux et l'enfila. Ça ferait très bien l'affaire et puis elle adorait porter les vêtements de Yukio, imprégnés de son odeur.

« Oui, tout à fait mon chéri. Un vilain monstre est venu cette nuit voler mon pyjama, tout grognon et avec des sourcils ! Heureusement, comme ta maman est la plus forte du monde, elle l'a puni comme il se doit ! » expliqua la jeune femme.

Ça pour une punition, il en avait eu une le monstre … Hahem. Elle aurait pût dire la vérité, mais non, parce que Ryouta qui parle de lui à la troisième personne, c'est juste la chose la plus pure au monde aux yeux de Takara et il était tout bonnement hors de question que sa libido et celle de Yukio viennent pourrir l'innocence de son fils adoré.

Takara se tourna vers son époux et lui lança un regard en coin, qui signifiait très clairement ; « sérieusement ? Non mais t'as rien trouvé de mieux ? » – après dix ans de vie commune, les jeune époux étaient passés maître dans l'art de faire des regards très parlant, ce qui était fort pratique pour communique mentalement sans que les autres les entendent et notamment leur fils dans le cas présent. Bref, merci Yukio, t'as vachement aidé sur ce coup-ci. Comme ce jour à l’hôpital ou elle suait sang et eau pour mettre au monde leur progéniture et que Môsieur n'a rien trouvé de mieux à faire de que s'évanouir en voyant la couleur des cheveux du bambin en question que lui tendait l'infirmière.

« C'est rien mon cœur, Papa fais juste l'imbécile et dis tout plein de bêtises, comme toujours. »

Voilà. Ça au moins c'était du détournement de sujet en béton. Traiter de l'intelligence de son père avec Ryouta, ça marchait à tout les coups, parce qu'il y avait matière à débattre sur le sujet, et que les Kasamatsu Femme et Fils étaient les seuls à pouvoir se permettre ce genre de remarques sans récolter la moindre représailles – que c'était pratique tout de même d'avoir un mari complètement fou amoureux !

Takara, voyant son fils se glisser sous les draps et tendre les mains vers elle, oublia tout le reste et se mit en mode « maman-poule », total in love de son poussin qui était décidément trop mignon pour son propre bien, le serrant fort contre lui pour répondre à ses envies de câlins en riant.

« Oh mon Ryouta-chou, pardon de t'avoir empêché de dormir ! Ne t'inquiètes pas, Maman ne t'embêtera plus la nuit parce qu'elle va s'assurer que Papa va se tenir très très sage à partir de maintenant, n'est-ce pas ? »

Qu'est-ce qu'on disait. Total in love la Maman Takara. Donc Yukio, il remballait ses envies de copulation au placard, oui encore après tout c'était bien les placards, parce qu'elle était déjà fort occupée à poupouner son bébé, qui avait innocemment mais soigneusement écarté son père pour se réserver les bras et la poitrine de sa mère pour lui tout seul et se blottir contre elle.

En même temps comment voulez-vous résister ? C'est qu'il savait y faire le poussin, c'était bien d'ailleurs le seul « homme » au monde capable de faire oublier à Takara jusqu'à – presque, parce que quand même – l'existence de son époux tant elle était entichée de la chaire de sa chaire. Et c'est qu'ils étaient foutus d'être jaloux l'un de l'autre les deux mâles de la maisonnée en plus – pour Ryouta ça passait et c'était même normal vu son âge, par contre, Yukio jaloux de son propre fis à presque trente ans, c'était d'une puérilité sans nom.

… Non mais… Sérieusement ? Un monstre à sourcils ? Etrangement, Yukio sentit une petite pique gentillette pointer le bout de son épine sur lui et, plus précisément, sur les passe-montagnes qui logeaient au-dessus de ses rétines bleues. Ben voyons, c’est vrai que son fils n’avait déjà pas assez peur de lui lorsqu’il les fronçait, ses putains de sourcils, c’aurait été bête de ne pas en rajouter une couche, juste comme ça, pour le fun atomique ! Le Kasamatsu afficha une moue boudeuse, histoire de faire remarquer au duo en train de se câliner à côté de lui qu’ils étaient tout de même trois, dans ce lit, désormais – phrase à ne pas sortir de son contexte, merci d’avance !

Cela dit, il ne pouvait pas rester d’une humeur massacrante très longtemps. Voir même, pas du tout. Parce que Ryouta, c’était un peu comme le soleil dans les Teletubbies, lorsqu’il était là, toute aura négative, si minime soit-elle, disparait automatiquement, comme si elle n'avait jamais existé. Et tant mieux, dans un sens, parce qu’il fallait au moins une compensation de cette qualité là pour être pardonné d’avoir interrompu papa et maman juste avant une séance de galipettes bien méritée !

Yukio eut même un regard en coin assez explicite – que seuls les adultes pouvaient comprendre, probablement – envers son épouse, l’air de dire « Oh, s’il savait comment je « t’embête » la nuit… mais bon faudrait peut-être songer à arrêter d’hurler, du coup, ma chérie » - oui oui, tout ça. Parce que bon la remarque du blondinet était certes assez mignonne mais… Son père n’était pas le seul fautif, non plus ! Cela dit, il n’eut pas le temps de répliquer davantage qu’il se retrouva avec une chose informe et jaune dans ses bras. Ah, oui, piou piou veut un câlin…

« Gentil piou-piou, gentil…. »

Dans d’autres circonstances, Yukio aurait pu être interné en hôpital psychiatrique pour ce genre de choses. Heureusement qu’il ne se donnait en tel spectacle que pour sa famille et ses très intimes amis. Il eut un sourire franc et sincère et voyant son garçon sautillant en imitant le poussin. Ce qu’il grandissait vite ! Le brun n’avait pas l’impression que ça faisait déjà six ans qu’il vivait cette aventure merveilleuse qu’est l’éducation – ahah, qu’il attende l’âge ingrat, pour voir avant d’en reparler. Et pourtant. Le must du must, c’était quand il jouait au basket avec sa femme et son petit bout de choux. Bon, okay, pour le moment, c’était davantage le ballon qui dribblait Ryouta mais Kasamatsu ne désespérait pas ! Viendra un jour prochain où son enfant serait un champion toutes catégories ! Rien qu’un simple regard envers son ascendance pouvait le confirmer.

Hum ? Ego mal placé ? Oui, sans doute un peu, et après ? Où est le problème ?

Gentiment, il vint ébouriffer le crâne doré de son garnement de fils en riant.

« Attend encore une dizaine d’années, mon garçon ! Et d’ici là, tu seras suffisamment fort pour apprendre à ton tour les bases du basket à tes petites frères ou petites sœurs ! »

Quoi, il voyait large ? Ou était le mal ?! Il était prévoyant, voilà tout ! Et puis en dix ans, il aurait largement le temps d’y revenir, aussi. Il n’avait que presque trente ans, après tout, il n’était pas vieux !

Un son distinct vint troubler l’assistance. Ah, tiens, ça faisait longtemps que ce cerveau-là ne s’était pas manifesté, d’ailleurs. Il était temps. Yukio se pencha sur le rebord du lit pour attraper son caleçon, histoire de ne pas sortir du lit conjugal comme un nudiste – oui, ce n’était ni l’heure ni le contexte pour ça, dans l’immédiat.

« Bon, qui veut manger quoi ? Ce matin, c’est papa qui se colle au petit-déj ‘ ! »

Ah, bon et bien…. Prions pour nos âmes ?

Takara se mordit la lèvre pour s'éviter d'éclater de rire en voyant son fils de six ans sermonner son époux. Il était décidément l'enfant le plus adorable du monde, elle en était persuadée. Et c'était le sien, son bébé à elle et rien qu'à elle – tu touches, t'es mort ; point.

Les regards parlants, c'était quand même une super invention. C'est en tout cas ce que constatait Takara alors, que dans le même temps qu'elle câlinait son précieux trésor – à savoir son Ryouta – elle capta le regard en coin de son mari et répliqua aussitôt, toujours dans un silence religieux – enfin pas tellement vu que pendant ce temps, son fils piaillait comme un véritable poussin – à son cher et tendre ; « si tu veux que j'arrêtes d'hurler, il n'y a pas de problèmes, mais ça veut dire interdiction de me toucher. Pas ma faute si t'es un fantastique amant, chéri. » Voilà. D'abord, c'était pas sa faute si elle criait et s'il voulait qu'elle se calme, bien qu'il arrête de lui faire toutes ces choses avec sa langue là.

Cependant, quand le gosse réussi à fourrer de force sa peluche poussin dans les bras de Yukio pour que son cher Papa fasse un gros câlin au doudou obèse, là, la jeune femme ne réussi pas à se retenir, surtout en voyant l'expression littéralement tordante de son époux. Le rire cristallin de la jeune femme empli la pièce.

Le sourire de Takara se fit incroyablement tendre en voyant Yukio ébouriffer la tignasse blonde de leur fils, qui s'impatientait d'être grand et réclamait déjà d'aller jouer. Ryouta adorait le basket – faut dire qu'avec les deux parents qu'il se trimballait, ça aurait étonnant qu'il déteste – et la jeune mère appréciait beaucoup de pouvoir partager sa passion en famille. Même si elle ne pouvait plus pratiquer à haut niveau à cause de son épaule blessée – laquelle abordait d'ailleurs une vieille cicatrice blanchâtre datant de l'époque après-lycée, ou elle avait tenté de devenir pro, sa carrière interrompue brutalement – elle était largement comblée de pouvoir jouer avec son fils et son mari, apprenant les rudiments à Ryouta.

« Patience mon cœur ça viendra bien assez tôt … » souffla Takara pour calmer les impatiences de son fils, avant d'ajouter, à voix basse et de manière à ce que Yukio seul l'entende « ouais bah les petits frères, faudrait qu'on ait le temps de les faire aussi... »

L'estomac commun de la famille se manifesta alors. Oui, oui, commun. Parce que quand l'un commençait sa symphonie, il était rapidement reprit en cœur par les autres. Alerte, c'est l'heure de nourrir les fauves.

« … on a du soucis à se faire alors. » taquina Takara tout en lorgnant la chute de rein de son époux qui se penchait par-dessus bord – du lit hein, je sais pas ce que vous allez imaginer mais je vous connais bande de fi-fous !

La jeune femme rit doucement et se leva, enjambant la peluche poussin qui traînait sur le matelas, et piqueta un baiser sur les lèvres de Yukio rapidement pour se faire pardonner sa petite pique amusée. En même temps, son mari aux commandes du petit-déjeuner, ça faisait peur.

Le t-shirt de ce dernier sur le dos d'ailleurs et lui tombant sous les cuisses, Takara se tourna vers son fils et tendit la main pour l'inciter à la rejoindre et à l'accompagner à la cuisine.

« Allez, viens déjeuner. Il faut prendre des forces si tu veux qu'on batte Papa au basket après ! Et aujourd'hui, demande tout ce que tu veux mon chéri, c'est Papa qui s'occupe de tout ! »

Ouais. Après tout, Yukio s'était si gentiment proposé, ce serait tellement dommage de passer à côté d'une occasion pareille. Pour une fois qu'elle n'avait pas à s'occuper elle-même de nourrir ses deux hommes, la Takara, elle allait profiter tiens. En plus, on était dimanche, donc pas besoin de courir dans tous les sens. Juste profiter de sa famille.

Bon au pire elle allait l'assister un peu, parce qu'elle n'était même pas certaine que Yukio sache faire un chocolat chaud correct. Sans grumeaux, parce que Ryouta détestait les grumeaux et que s'il avait le malheur d'en sentir un, ça allait être la crise. En même temps, c'est vrai que c'est dégueulasse ces trucs.

Arrivée dans la cuisine, Takara jeta un coup d'oeil par les portes-fenêtres donnant sur le jardin, se souvenant qu'elle avait une chasse à la nuisette à faire, si possible avant que les voisins ne commencent à siroter leur café sur leur terrasse tout en se dorant au soleil.

Pas comme s'ils n'avaient pas l'habitude, mais mine de rien ça devenait un peu gênant de se faire arrêter par les voisines en allant faire les courses, pour se faire demander ce qu'elle utilisait comme aphrodisiaque sur son mari tous les soirs. Elle avait crû mourir de honte ce jour-là. La jeune femme leva les yeux, machinalement. Ah. C'était fort ça, tiens.

Elle se tourna vers son mari qui la rejoignait juste. « Bravo Yukio, tu t'es surpassé je crois cette fois. Celle-là tu me l'avais encore jamais faite. »

Et pour bien faire comprendre de quoi elle parlait, Takara désigna à travers la fenêtre l'arbre poussant devant leur maison. Sur la branche, la nuisette qui s'était sentie poussé des ailes hier soir pendait allègrement, se balançant au grès du vent pour fêter sa liberté et son indépendance de petite tenue retrouvée.

Maintenant, il n'y avait probablement plus une personne dans le quartier qui ignorait que l'épouse Kasamatsu portait de la dentelle rouge. Surtout que dans le vert des feuilles, ça ressort.

Bon, alors, c’était parti pour la quête du jour, en ce dimanche supposé tranquille. A la recherche des ingrédients du p’tit déj’. Ce titre pourrait faire fureur pour une interprétation autodidacte d’un film d’aventure des temps modernes, n’en doutons pas !
Quoi qu’il en soit, Yukio fit en sorte de ne pas relever la petite pique humoristique de Takara ; d’une part parce qu’elle l’avait embrassé, ce qui faisait donc office d’excuse, et d’autre part parce qu’il avait sa fierté et savait pertinemment comment tirer les choses à son avantage, plus tard. Mais pour l’heure, sa tâche était loin d’être aisée, surtout lorsque l’on prenait en compte qu’il n’avait jamais été un chef étoilé, de surcroit – bon, lui au moins ne foutait pas de pastilles de protéines dans ses plats comme une certaine coach dont nous ne citerons pas le nom ici, certes, mais bon.

Ouvrant donc un premier placard, puis un second, Yukio trouva rapidement de quoi faire un repas au saut du lit digne de ce nom ! Enfin, il tâcherait de s’adapter aux bons vouloirs de son fils, c’était sûr. Un vrai papa poule… à sa façon. Il fallait bien le connaître pour savoir ça, en fin de compte. Alors… Un chocolat chaud et des crêpes…. Fort bien, il fallait donc une casserole pour se faire ! A moins que ce ne fut-ce une poêle dont il ait réellement utilité. Oui, sans doute. Mais encore fallait-il trouver ledit ustensile avant de se précipiter et faire n’importe quoi – comme d’habitude lorsqu’il touchait à quelque chose de comestible, en fait.

Avant de partir à la recherche de la fameuse chose précédemment cité, il lança encore l’un de ses regards parlants à sa femme – l’air de dire « si tu veux que je stop, arrête donc de me faire envie tout le temps, aussi »-, non sans afficher un petite sourire en coin qui montrait sa fierté. Il restait un homme, n’omettons pas ce détail non négligeable. C’est vrai qu’il ne pensait pas que le vêtement aurait pu s’accrocher d’une telle façon, à la vue de tous. Bon, en réalisant que le quartier commençait à connaître par cœur sa vie conjugale, il eut un peu le rouge aux joues mais il n’en demeurait pas moins satisfait de sa propre performance. Lui ? Un peu trop fier parfois ? Oui, très certainement.

Mais il ne s’attendait pas à ce qui allait lui arriver sur le coin de la tronche, ahah.

Tandis qu’il inspectait les placards et autres tiroirs, espérant tomber sur une casserole pour faire les pancakes voulus par Ryouta, le petit posa la question qui tue. Mais vraiment. Aahahahha. Comment on fait les petits frères et petites sœurs ? Bon bon bon. Pas de panique, il devait bien y avoir une solution pour se tirer de ce mauvais pas et…

« Demande à ta mère. »

Ouh, la fuite. Mais sur le moment, le visage cramoisi, ça lui avait paru être une très bonne idée. Sans déconner, en plus. Puis, il se souvint de comment Takara avait l’habitude d’expliquer les choses, d’une façon très… explicite. Mauvais plan, finalement. Tant pis, il allait se lancer dans la bataille, quitte à y perdre quelques plumes. Hors de question que le petit voit ses oreilles percées par une vérité qu’il était encore bien trop jeune pour connaître !
Ainsi, se relevant, le regard fuyant, Yukio essaya d’aborder la chose de façon… subtile.

« Alors tu vois euh…. Il y a une cigogne qui vient avec un bébé pour le donner aux nouveaux parents et…. Voilà, c’est aussi simple que ça ! Ce sont les cigognes qui amènent les bébés ! »

…Saperlipopette, on était parti loin dans le délire, là. Surtout qu’il essayait d’imager son explication avec des gestes pour le moins… débiles à souhait. Ah, il faisait décidemment bon vivre chez les Kasamatsu.

Voir son mari préparer le petit-déjeuner, c'était comme regarder une parodie de film d'aventure. Après Indiana Jones à la recherche du tempe maudit, voici donc Kasamatsu Yukio, explorateur et aventurier d'un nouveau genre qui devait partir à la conquête de la cuisine aux mille dangers pour réussir à trouver le Saint Graal – ou plus précisément, la Sainte Brique de lait. On applaudit bien fort – ou alors on fait comme Takara et on se marre à l'avance de voir la croisade se transformer en bataille sanglante entre son époux et les casseroles.

Sauf que pendant que Yukio se démenait à simplement trouver les ustensiles, Ryouta lui avait faim et s'impatientait. Forcément, on le comprends le môme. Et au rythme ou allait le père de la petite famille – non mais elle lui avait assez souvent expliqué ou elle rangeait les casseroles out de même alors pourquoi regardait-il sous l'évier parmi les produits ménagers ? –, cela risquait de leur prendre toute la matinée pour préparer de simples crêpes. Un soupir amusé franchit le seuil des lèvres, étirées en sourire, de Takara. C'est qu'elle se marrait en plus.

« Bon, je n'ai pas le choix on dirait. » souffla-t-elle en se levant de sa chaise, caressant au passage la tête de Ryouta pour le calmer tandis qu'il tapait sur la table. « Doucement mon chéri, ça arrive. Maman va aider Papa, parce que le pauvre est complètement perdu sans elle et ne peut rien faire. »

Bien quoi, elle ne faisait que dire la vérité ! Prenant donc de pitié l'estomac de son fils, Takara s'approcha, ouvrit un placard sans même le regarder et en sortie une casserole. Deux secondes plus tard, elle déposait une brique de lait et une boîte de chocolat en poudre.

« Tu chauffes le lait. Deux cuillères à café de cacao en poudre et une de sucre parce qu'il adore ça. Tu mélanges et c'est prêt. Et pas de grumeaux surtout, n'est-ce pas Ryouta ? » ajouta-t-elle en se tournant vers son fils pour échanger un clin d'oeil avec lui, habituée aux 'exigences' du petit prince. Elle se retourna vers époux, les yeux pétillant de malice. « C'est autrement plus difficile que de diriger une équipe de lycéens ou d'enseignez à des adolescents. Tu crois que tu pourras t'en sortir ? »

Laissant donc à Yukio la lourde tâche de préparer le chocolat chaud, Takara s'empara d'une poêle de son côté et commença à préparer les crêpes réclamées par Ryouta. Pas qu'elle n'avait pas confiance en les talents culinaires de Yukio – en fait si, mais bon, on ne pouvait pas être doué en tout ! – mais elle aimerait bien manger et éviter que Ryouta se mette à faire semblant de dévorer la table pour leur faire comprendre que sa patience de poussin était à bout - il y avait encore les marques de dents du petit de la dernière fois où il lui avait fait le coup.

Et là. Attention, la bombe. LA question qui fait mal et que tous parents redoutent dans leur existence. La conception d'un enfant expliquée à … un enfant. Soit le truc qui peut, si c'est mal fait, ou traumatiser vos gosses à vie et vous faîtes une croix définitive sur les petits-enfants parce que c'est mort ils auront fait vœu d'abstinence pour cette vie et les trois prochaines autres, soit vous réussissez à éviter le drame et à préserver la pureté de vos mômes, mais attendez-vous à ce que vos mensonges vous retombent sur le coin de la gueule quand ils s’apercevront qu'il n'y a ni cigognes ni abeilles.

Takara roula des yeux en voyant Yukio utiliser sa plus fidèle et meilleure technique de fuite quand il devait répondre à une question gênante de leur fils comme celle-ci. Soit le « demande à ta mère », classique, mais imparable. Oui sauf que, était-ce vraiment une bonne idée de laisser Takara s'occuper d'expliquer à Ryouta comment on faisait les bébés … la réponse est non. Absolument hors de question, la franchise crue comme un sushi, de cette femme ne connaissait pas de frontière.

D'ailleurs, Yukio dû s'en rappeler à temps, vu qu'il revint sur sa décision. Takara cligna des yeux. Non mais, une seconde là …

« Des cigognes ? T'as rien trouvé de mieux, franchement ! »

Elle allait ajouter quelque chose, mais se souvenant juste à temps que Ryouta était dans la pièce – son Ryouta, son bébé innocent et adorable qui parle de lui à la troisième personne – elle se retint à temps. Non, elle ne pouvait pas faire ça. Elle ne pouvait pas dire la vérité à Ryouta sur la conception d'un enfant, pas avant ses trente ans en tout cas !

Du coup, elle répondit, bêtement, entrant dans le jeu de Yukio qui avait probablement réussi à éviter une catastrophe – déjà que leur fils allait être un mannequin qui fait tourner les têtes à seize ans, pas besoin que Takara en rajoute une couche :

« Oui, voilà... Des cigognes tout à fait. Et pour le reste, je t'expliquerai quand tu seras plus grand. »

Genre deux mètres de haut, ça devrait le faire là. Petit silence. Takara se racla la gorge, se concentrant sur la pâte qu'elle faisait dorer dans la poêle, et se retourna, tout sourire, vers son fils.

« Tu veux mettre quoi sur tes crêpes mon chéri ? Et après on ira jouer au basket ! »

Détournement de sujet en béton, ou comment capter totalement l'attention d'un enfant de six ans en l’appâtant avec son estomac et un ballon. Bien joué. On sentait la mère expérimentée – et pas du tout manipulatrice pour deux sous, non non quelle idée voyons.

Par tous les dieux anciens, présents et futurs, Yukio saluait sa bonne étoile, ce jour. Il n’aurait jamais cru, d’une part, que Takara allait appuyer son idée débile de cigognes à la con, et d’autre part, que Ryouta allait se laisser avoir si facilement et gober cette explication sortie de nulle part –tel le lapin du chapeau de magicien -  de la même manière qu’il allait sous peu engloutir les crêpes chocolatées bien chaudes. Heureusement, tout marcha dans son sens, cela dit. Au moins, il tombait d’accord avec sa femme sur le fait que leur fils digne de blondie n’était pas encore tout à fait prêt pour connaître les choses de la vie.

Ils en reparleraient calmement et tous ensemble aux vingt ans du jeune homme, d’ici là, ils avaient le temps de voir venir.

En attendant, Yukio n’était pas peu fier de lui puisqu’il avait réussi son exploit du jour ; à savoir, faire un chocolat chaud à son descendant sans aucun grumeau ! Il allait s’en vanter pendant des lustres, on pouvait y compter ! Enfin, ça ferait toujours une anecdote à raconter pendant les repas de famille Kasamatsu, probablement.

« Oui… Voilà, c’est pour ça que maman criait cette nuit, pour prévenir la cigogne ! »

…Et on continuait dans les explications what the fuckesques ! Mais bon, puisque ça avait marché au début, ça pouvait continuer sur cette lancée-là, non ?

En attendant, le loupiot avait faim et pour l’heure, Monsieur Kasamatsu ne pouvait plus être utile à grand-chose dans la cuisine puisque sa moitié était aux prises avec la poêle à frire.

« Bon bah, je vais aller chercher notre drapeau, chérie, hein. »

Dit-il, avec un air tout à fait mielleux et bourrés de sous-entendus narquois. En même temps, il avait de quoi être fier, c’était la première fois qu’il parvenait – sans même le vouloir- à accrocher la nuisette de la sorte. La mention « deal with it » aurait pu côtoyer celle de « like a boss magikarp » au-dessus de sa tête tellement il souriait à s’en foutre des crampes aux joues. Fierté masculine mal placée, sans aucun doute.

Cela dit, lorsqu’il arriva à hauteur du vêtement qui se balançait allégrement, un problème survint. C’était trop haut pour qu’il arrive à l’attraper rien qu’en levant le bras. Bon… Merci le vent, hein. Pas le choix, il fallait faire un bond pour se saisir de la soie rouge qui paraissait le narguer, ce qui eut le don de l’agacer.

Heureusement, un seul saut suffit pour se saisir du bout de tissu et.. se casser la gueule, dos le premier sur le sol. Qu’à cela ne tienne, Yukio se releva, fier d’avoir obtenu… un bout de tissu méconnaissable. Ah, c’avait donc été ça le « criiiiiiih » qu’il avait entendu pendant sa brève mais intense descente ? Bon bah… La nuisette de sa femme venait de se transformer en carré Hermès pour Cachalot ; tout un programme. Mais il risquait gros sur ce coup, aussi.

Vite, changement de programme, une petite discussion avec le fiston après avoir planqué les restes de la nuisette dans le vase le plus proche et le tour serait joué ! Du moins, le pensait-il sincèrement..

« Alors fiston, ou veux-tu aller jouer au basket, après manger ? »

L’avantage majeur de leur quartier, c’était qu’il y avait plusieurs terrains différents, tous à proximité, pour jouer le plus tranquillement possible. Hum ? Si c’avait été déterminant pour le choix et l’emménagement ? … Sans doute un peu, oui.

Elle le savait. Ce n'était pas une bonne idée le coup de la cigogne, elle aurait mieux fait de dire la vérité. Ça lui apprendrait à suivre Yukio dans ses explications à la con… Takara se tourna vers son mari, lui servant un nouveau regard parlant bien appuyé – quelque chose du genre ; « Chéri, je t'aime. Mais maintenant, tu te tais et tu arrêtes les dégâts. Tout de suite. ».

Si jamais cette nuit elle entendait Ryouta hurler à la fenêtre ou le voyait tenter d'aller se percher sur le toit pour appeler lui aussi la cigogne comme Maman, ça allait chauffer sérieusement pour le chef de la famille Kasamatsu. Gare aux conneries que tu dis Yukio, ça pourrait bien se retourner contre toi et cette histoire se finira avec toi sur le canapé et abstinence forcée pour durée indéterminée !

Comprenant visiblement le message, le sage homme partit plutôt récupérer la preuve compromettante de leurs ébats nocturnes, qui se balançait toujours à l'air libre dans le jardin, déléguant donc la tâche d'achever le petit-déjeuner à sa femme. Laquelle terminait justement la cuisson des mets du jour, à savoir les crêpes. Heureusement d'ailleurs parce que le poussin blond avait déjà presque fini de boire son chocolat chaud et s'impatientait de plus en plus.

« Du calme, Ryouta. » souffla la jeune mère, d'un ton calme et affectueux mais qui laissait tout de même sous-entendre à son fils qu'il avait intérêt à arrêter son caprice maintenant.

Maman ne s'énervait pas souvent – contre son fils on entends hein, parce que les autres en revanche, même son cher et tendre mari qu'elle aimait de tout son cœur, n'étaient pas à l'abri d'une colère made in Takara – mais elle ne laisserai pas pour autant son petit prince faire un caprice, alors qu'elle avait déjà expliqué à plusieurs reprises qu'elle n'était pas magique et n'avait pas quatre bras. Et par conséquence, le petit-déjeuner mettait un peu de temps à arriver, si t'es pas content tu prends des céréales et tu la boucles.

« Tiens, mon cœur. Régales-toi. »

Elle déposa l'assiette de crêpes chaudes et tartinées de chocolat devant son fils, déposant un petit baiser sur son front au passage et s'assurant qu'il avait bien sa serviette accrochée au coup – Ryouta avait six ans, les accidents chocolatés sur le pyjama, ça arrivait souvent, bien malheureusement.

Takara prépara ensuite les assiettes pour Yukio et elle-même, servant toutefois du thé vert plutôt qu'un chocolat. Les crêpes changeaient assez du petit déjeuner traditionnel certes, mais ce n'était pas plus mal d'alterner les menus, d'autant que Ryouta avait la manie de vite se lasser d'un plat si elle lui faisait trop souvent – d'où l'intérêt de balancer entre repas occidental et oriental pour garder l'appétit joyeux de son fils intact.

« Alors, c'est bon ? » demanda Takara à son fils en s'installant en face de lui pour boire son thé, souriant tendrement en le voyant dévorer littéralement sa pitance.

Yukio revient à cet instant, sa nuisette dans la main… ou plutôt les vestiges de ce qui avait été un déshabillé sexy pour lequel Takara avait dû endurer une après-midi entière de shopping en compagnie de Satsuki qui l'avait traîné de force – littéralement ; la rose s'était agrippée à son bras et ne l'avait plus lâchée jusqu'à la fin de la journée – dans toutes une série de magasins de lingerie fine parce que son amie la trouvait absolument trop mignonne dans ce genre de tenues et qu'elle était certaine que son mari allait apprécier aussi.

Ça pour apprécier d'ailleurs, il avait apprécié… n'empêche que maintenant, la nuisette était juste bonne pour servir de chiffon chic en soie pour nettoyer les vitres, alors qu'elle lui avait coûté les yeux de la tête et qu'elle avait surtout souffert atrocement pour la trouver – dix ans de shopping torture avec Satsuki et oui, elle détestait toujours autant cela, mais non, elle ne pouvait toujours pas refuser quand son amie venait la chercher.

« Yukio … » souffla la jeune femme d'une voix très douce – trop douce même. « Comment tu comptes te faire pardonner pour ça au juste ? » elle se tourna vers Ryouta, tout sourire – fuit Yukio tant que tu le peux. « Chéri, quelle punition devrait-on donner à Papa pour avoir mit en miette le pyjama de Maman alors que Maman l'avait acheté avec Tata Satsu spécialement pour faire plaisir à Papa ? »

Tu la sens la petite pique de reproche, tellement légère et innocente ? Et puis attention, si Takara laissait le soin à leur fils de choisir la punition de Yukio, ça risquait d'être terrible... ou pas. Parce que Ryouta, c'était Ryouta et donc, soit il était capable de transformer son père en cheval pour la journée et lui démolir le dos en se perchant dessus jusqu'au soir, soit il pouvait simplement exiger un deuxième chocolat chaud.

Il doutait de pouvoir s’en sortir comme ça à chaque fois, mais pour l’heure, Yukio était sauvé. Enfin, « sauvé » était, en soit, un terme un peu trop fort pour le contexte dont il est ici question mais l’essentiel, c’est qu’il n’ait pas à essuyer les foudres de Madame Kasamatsu, son épouse – et non pas sa mère, merci mais on n’est pas tordus à ce point non plus !- dans l’immédiat. Même si bon, il y avait une chance sur… une, à peu de choses près pour que les remontrances se terminent exactement de la même manière qu’elles avaient commencées ; soit, dans un lit avec une bébétisation à la clef.

Tiens, en parlant de ça… C’est que Ryouta avait oublié d’être con – si si, j’vous jure. Ou plutôt, son obstination était renforcé par son statut d‘enfant curieux et fatalement…. Bah il voulait en savoir plus, lui. Loin d’être les deux tiers d’un abruti, il mettait l’accent là où ça faisait bien mal. Comment mettre ses parents dans l’embarras, volume premier ! Et encore, Yukio avait l’intime conviction que ce n’était pas terminé de sitôt, cette histoire ! Mais bon, il fallait bien assumer les dires précédents et jouer le jeu, ne serait-ce que pour conserver le plus longtemps possible et sa crédibilité de paternel et l’innocence de son garçon.

« Alors, tu vois mon chéri…. Les cigognes elles vont chercher les bébés… euh… dans les nuages, voilà ! Mais ça prend du temps parce que les nuages doivent rassembler de euh…. De la poussière de fées et des rires d’arc-en-ciel pour faire des bébés et ce sont des choses très rares ! Du coup, parfois, les bébés mettent pas mal du temps à venir, plusieurs mois ! »

Explication foireuse ? Totalement. Mais Yukio espérait que plus se serait niais et plus son fils mordrait à l’hameçon. Même si bon, il ne chercha pas spécialement à le mettre à l’écart du reste non plus. Vive le basketball, ça pouvait aussi sortir de ce genre de situation, mine de rien !

« On ira jouer sur le terrain juste à côté de la maison alors ! »

Un grand sourire qui illuminait son visage et le tour était joué. Mais il fallait tout de même appâter le gamin pour espérer ne plus avoir de questions gênantes de sa part. Du moins, dans l’immédiat – parce que bon, l’imagination du brun commençait sérieusement à battre de l’aile, aussi.

« D’accord, on va y aller, mais avant il faut que tu te prépares ! File t’habiller et te débarbouiller ! On fait la course ?! Si tu gagnes je… t’offrirai une glace en fin de journée ! »

Ryouta et la bouffe, un sujet utile en cas d’urgence – comme c’était présentement le cas – et Yukio ne se privait pas pour l’utiliser – de temps à autre à tort et à travers. Mais peu importait. Les discussions sur « comment on fait des bébés ? » semblaient pour le moment bien loin du couple Kasamatsu et Yukio adressa même un sourire à sa femme, l’air de dire « t’as vu ? J’m’en suis bien sortie, hein ?! »
Tch, abruti !

Un baiser sur les joues et Takara se retrouva avec une magnifique trace de lèvres couleur chocolat en guise de décoration. Mais impossible pour la maman de ne pas craquer devant tant d'adorabilité – oui oui ça existe ce mot... dans mon dictionnaire en tout cas – de la part de son trésor de fils qui était définitivement trop mignon pour qu'elle puisse lui résister.

Elle rit donc de son empressement de sortir jouer, heureuse qu'elle et Yukio aient pût transmettre leur passion pour ce sport à Ryouta afin qu'ils en profitent tous ensemble. Elle en oublia même de se frapper le front du plat de la main en attendant la suite des explications ahurissante de Yukio sur les cigognes, même si intérieurement elle n'en pensait pas moins tout de même. Le prochain, juré, elle s'occuperait elle-même de lui dire comment on fait les bébés, ça éviterai ce genre de théories foireuses qui risquaient de faire tourner l'imagination de leur fils à plein régime.

« Allez, viens là petit poussin ! Maman aussi est pleine de chocolat maintenant, il faut qu'on aille se débarbouiller un peu, au moins le visage. On prendra le bain ce soir en rentrant. » s'exclama Takara en attirant son enfant contre elle.

Elle se dirigea vers la salle de bain, faisant signe à Ryouta de la suivre – non elle n'était pas irresponsable au moins de laisser son fils seul dans une pièce comportant plusieurs arrivées d'eau et plusieurs produits de maquillage et de soins qui avaient tout le potentiel nécessaire pour se transformer en peinture de guerre ou en ''choses très amusantes à tartiner sur les murs''.

La jeune femme passa devant Yukio en lui rendant un sourire tendre, amusée malgré tout – ''mais oui mon chéri tu es formidable d'avoir réussi à persuader un enfant de six ans que c'était bien les cigognes qui apportaient les bébés'' –. Toujours en tenue d'Eve sous le simple t-shirt trop large de son mari qu'elle portait pour cacher ses, elle prit un soin tout particulier à effleure, l'air de rien et tout en discrétion bien évidemment, le postérieur de son époux. Traduction ; elle avait bien envie de recommencer à appeler les cigognes ce soir. Provocatrice la Takara ? Si peu, si peu …

Salle de bain. Takara se passa de l'eau sur le visage pour effacer la trace de baiser chocolaté de Ryouta et s'attacha les cheveux en un chignon lâche à la va-vite. Elle se tourna ensuite vers son fils, examina sa bouille au moins aussi tartinée que les crêpes qu'il venait d'engloutir et attrapa un gant de toilette avant de lui ôter avec douceur les traces de chocolat qui lui couvrait la bouche et les joues.

« Voilà, c'est mieux comme ça, mon petit homme est tout propre ! » souffla-t-elle en plantant un baiser sur le bout du nez de Ryouta. « Tu te brosses bien les dents et tu t'habilles maintenant. Et ensuite promis, on va jouer au basket mon cœur. »

La jeune femme s'assura que son poussin faisait ce qu'elle lui disait, s'esquivant ensuite dans leur chambre à Yukio pour aller enfiler des sous-vêtements, un short et un débardeur vite-fait, espérant qu'elle pouvait laisser ses hommes deux petites minutes le temps qu'elle se prépare rapidement.

Elle avait tout de même laissé la porte entrouverte le temps qu'elle se change, histoire d'entendre Ryouta – ou Yukio, elle était pas à l'abri non plus – s'il l'appelait pour lui demander de l'aide pour s'habiller ou autre... et aussi parce que si elle fermait la porte ce serait pas drôle pour nous derrière nos écrans et nos imaginations sadiques.

Si l’on devait trouver un mot pour définir la majeure partie du quotidien des Kasamatsu, c’aurait été : bonheur. Et l’actuel instant en était un parfait exemple. Yukio avait laissé son fils et sa femme allé s’apprêter dans la salle de bain ; en profitant pour aller lui-même se changer et … enfiler sa vieille tenue de basket ! Bon, certes, elle était un peu vieillotte et délavée en plus de datée du lycée mais il ne pouvait se résoudre à s’en séparer ; c’était trop de souvenirs bons comme mauvais pour qu’il pense une seule minute à la jeter à la poubelle. Il se regarda un instant dans le miroir de son armoire à portes battantes et fut surprit de voir qu’il l’a portait encore très bien ! Enfin, il se faisait cette réflexion à chaque fois, aussi…  Sans doute une variante de l’orgueil masculin planqué là-dessous. Mieux valait ne pas chercher davantage, au fond !

Revenu dans le salon, il n’eut pas le temps de souffler que déjà une petite puce pleine d’énergie lui avait sauté sur le dos. Riant, Yukio fit en sorte de bien maintenir son fils sur les épaules et afficha un sourire en sentant le bisou papillon être déposé sur sa joue.

« Oui oui, on va aller chercher maman, mais fais attention et accroche toi bien pour ne pas tomber surtout ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait ! Voilà Kasamatsu en chef qui ouvre la marche, son petit bout de choux sur les épaules, avertissant au passage son épouse qu’il était l’heure d’y aller car dans le cas contraire, il ne savait pas trop si Ryouta n’allait pas imploser à force de faire la pile électrique. Un vrai gosse en pleine force de l’âge, en somme. Mieux valait qu’il soit ainsi que chétif et malade, dans un sens. Le brun ouvrit finalement la porte et descendit les escaliers, donnant la main à son garçon descendu de ses épaules, à ce moment-là.

Direction : le terrain de basket le plus proche !

Il ne leur fallait pas plus d’une dizaine de minutes pour y être. A les voir ainsi, tous les trois, on aurait pu croire avoir en face des champions nationaux en trains d’entrainer leurs fils. Quoi que… dans les faits, ce n’étaient pas si éloigné que ça de la réalité. On pouvait au moins dire que l’expression de fierté non dissimulée sur les visages es deux parents ex-kaijou n’était je rien une hallucination. Savoir que son fils partageait sa passion ne pouvait que le transporter de joie. Qui sait, peut-être un jour ce bonhomme pourrait percer dans ce sport-là ! En tout cas, ce n’était pas Yukio qui allait l’en empêcher, loin de là !

Mais bon, on en était encore loin, de de genre d’avenir ; pour le moment, commencer par entretenir les bases était, en soi, une bonne chose.

« Ryouta, on se fait un one on one avant de commencer ? »

Pour assortir ses dires, sourire aux lèvres, Yukio fit rebondir la balle sur le terrain désert.

Rien n'aurait pût faire plus plaisir à Takara à l'instant présent que de passer du temps avec les deux hommes de sa vie ; soit son mari et son fils. La jeune femme, se laissant aller à l'émotion et la nostalgie, enfila sa vieille tenue de l'époque ou elle jouait à Kaijo et était meneuse de son équipe. Le même poste que Yukio, les mêmes responsabilités d'ailleurs … les deux capitaines avaient après tout de nombreux points communs, et dans le basket comme sur d'autres plans, ils se ressemblaient énormément.

Takara caressa un instant le chiffre quatre qui trônait sur son torse, rêveuse. Par moment elle regrettait cette époque, ou elle était jeune et insouciante, avec ses rêves de grandeur plein la tête. Puis, elle se réveillait et quand elle tournait la tête sur la place du lit à côté d'elle c'était pour voir le visage de Yukio et alors tous ces éventuels regrets s'évanouissaient. Elle aimait sa vie, énormément. Elle ne pouvait parfois croire à son bonheur qu'elle partageait tous les jours avec Yukio et Ryouta.

D'ailleurs en parlant des concernés, ces dernier s'impatientaient, trouvant que la femme de la maison mettait un peu trop de temps à se préparer. Takara était tellement absorbée dans ses pensées qu'elle en avait oublié à quel point son fils pouvait être impatient et pressé par moment – et son mari aussi, mais bon, il le dira jamais lui.

La jeune femme s'empressa de les rejoindre donc, souriant en voyant Ryouta perché sur les épaules de son père. « Je suis prête, on peut y aller ! »

Une fois les basket enfilés, Takara claqua la porte de la maison derrière eux, son sac avec leurs affaires en bandoulière sur l'épaule. Elle prit ensuite la main de Ryouta dans la sienne, serrant cette petite mimine dans le creux de sa paume et échangea un sourire attendri avec Yukio tandis que leur chantonnait, heureux comme jamais à l'idée d'aller jouer, partageant à travers cet étirement de lèvres attendris la fierté qu'elle ressentait avec son mari.

Il ne leur fallut guère longtemps pour arriver au terrain de basket le plus proche de la maison – si elle disait que le choix de leur habitation n'avait pas été influencé par la proximité de ce parc et de ce terrain de street … et bah elle mentirait. Celui-ci était désert, bien évidemment. Il n'y avait qu'une seule famille à la ronde assez tarée pour venir faire du basket un dimanche matin à peine levée ; les Kasamatsu.  

Sourire aux lèvres, Takara posa les affaires et se résigna à attendre son tour pour tâter un peu la balle en voyant que Yukio mourrait d'envie de jouer en solo avec leur fils. Elle n'arrivait jamais à déterminer lequel d'eux deux étaient le plus fier et enthousiaste de voir Ryouta se montrer aussi doué au basket-ball … probablement étaient-ils a égalité. Mais bon, les hommes ce sont les hommes hein. Du coup la jeune femme se résigna à faire l'arbitre, en profitant d'ailleurs pour observer en détail son fils et ses mouvements.

« Vas-y doucement avec lui quand même Yukio. » souffla-t-elle, sachant parfaitement que son mari pouvait parfois ''s'enflammer'' un peu quand il s'agissait de pratique.

Les anciennes habitudes de capitaine sûrement … Et quand il était dans son monde, ce dernier avait parfois tendance à oublier qu'il avait un môme de six ans en face et pas un de ses anciens joueurs en pleine crise d'adolescence.

« Et toi Ryouta, échauffe-toi bien avant ! Fais les mouvements que Maman t'as déjà montré, tu t'en rappelles ? »

Non voyons, elle n'était pas maman-poule ! … Bon si ok elle l'était, mais c'était justifié actuellement. Tout bon sportif savait qu'il fallait toujours s'échauffer correctement et s'assouplir les membres avant de pratiquer, et le fait que Ryouta ne soit encore qu'un petit poussin ne le soustrayait pas à cette règle, bien au contraire. C'est pourquoi la jeune femme se mit à faire ses propres étirements, s'assurant que son fils en fasse de même.

Takara n'avait après tout aucune envie que son bébé se fasse un claquage, il arrivait déjà suffisamment à se blesser tout seul lorsqu'il tentait d'imiter les mouvements de ses parents en omettant que son petit corps ne lui permettait pas vraiment de les reproduire à la perfection …

Spoiler:

Il oubliait à chaque fois à quel point ce genre de petits moments, passés avec les deux êtres qui façonnaient sa vie jour après jour étaient importants, pour lui. Yukio paraissait même retrouver son âme de jeune homme – sinon d’enfant – avec son propre fils, retrouvant des sensations jusque-là éteintes par les années d’inactivité. Jouer un peu, même au street basketball était une activité productive, tant pour lui – car ça le maintenant en forme – que pour sa famille entière. Après tout, on ne change pas une équipe qui gagne… littéralement, dans le cas présent, en plus.

Sans vouloir se moquer en aucune mesure, Yukio était persuadé que si son fils persévérait dans cette voie, il pourrait à son tour devenir un grand joueur de basket, comme le furent ses deux parents, et peut-être même aller encore plus loin qu’eux n’en avaient eu l’opportunité ! Tout sourire, il s’évertuait donc à jouer avec Ryouta, sachant très bien qu’a ce stade, il dominait parfaitement le flux du jeu – le contraire aurait été étonnant voir… flippant, même. Cela dit ça ne l’empêchait pas de feinter pour faire croire au petit blond hyperactif qu’il était en train de gagner, bien sûr ; il fallait rester un peu pédagogue tout de même.

Cela dit, il ressentait déjà le contrecoup de ne pas avoir fait ses échauffements avant d’aller gambader sur le terrain – d’ailleurs il se sentait très bête de les avoir omis, lui qui, en tant que capitaine, soulait ses joueurs pour qu’ils ne les oublient jamais, en plus de ça. Il devait faire attention à ses genoux devenus fragile avec le temps. Bon, l’heure était venue pour lui de céder la place sur le terrain pour le moment. Aussi, s’approchant de son fils, Yukio le souleva par la taille de manière à ce qu’il puisse lancer le ballon et le faire rentrer dans le panier à coup sûr.

« Vas-y p’tit gars, marque ! »

Ceci étant fait, il le reposa sur le plancher des vaches et annonça ;

« Bon, je vais laisser maman prendre la relève pour le moment, je vous rejoindrais par la suite une fois que mes genoux seront moins douloureux."

Et qu’il ait eu le temps de faire ces foutus échauffements qui pouvaient encore lui être utiles, non mais ! Ah, ces hommes, tous les mêmes, ils ne font jamais attention à l’essentiel ! Comme d’habitude, en somme. Mais bon, pour le moment, il lui tardait de voir sa femme en action de meneuse devant leur trésor commun.

Elle les dévorait presque des yeux, admirative et emplie de bonheur en voyant ses hommes évoluer sur ce terrain isolé, juste pour elle. La joie de Yukio était facilement devinable, au sourire qui lui mangeait le visage, et celle de Ryouta était comme toujours contagieuse, Takara se sentant rire à son tour en voyant comment le petit enfant blond « volait » la balle à son père, tout ravi de ses propres action – merci Papa.

Le sourire de Takara prit toutefois une petite tournure taquine en voyant Yukio lui céder sa place sur le terrain.

« Alors, on a pas fait ses échauffements, Capitaine ? C'est pas sérieux tout ça. » railla-t-elle, d'un ton purement amusé et nullement méchant – c'était pas parce que son mari avait gagné en âge qu'il était forcément plus mâture et idem pour la mère de famille.

Elle se leva du banc ou elle était assise pour rejoindre Ryouta qui s'impatientait sur le terrain, excité d'avoir réussi à marquer son panier – avec l'aide de son père certes, mais c'était quand même lui qui avait tiré. Passant près de Yukio, elle prit tout de même le temps de déposer un baiser sur les lèvres de son mari.

« Repose-toi un peu, je vais tâcher de m'occuper du nouvel As mondial pendant ce temps. »

Elle exagérait à peine. En jouant avec Ryouta, la jeune mère et ancienne capitaine de son équipe pouvait voir à quel point leur fils était déjà doué malgré son jeune âge. S'amusant avec lui sur le terrain, Takara jouait littéralement, feintant son fils pour le voir tenter de lui barrer de la route, aiguisant ainsi par ce genre de petites activités ses réflexes, le laissant par moment voler la balle et la défendre seul comme un grand. L'enfant se débrouillait terriblement bien et il tardait à Takara qu'il grandisse pour lui apprendre d'autres mouvements, pour le moment hors de sa portée – mais en même s'il grandissait, elle ne pourrait plus le prendre dans ses bras et le câliner comme un poussin … argh, dilemme !

L'heure tourna vite cependant et à jouer ainsi au basket avec sa famille, Takara en perdait un peu le fil du temps. Cependant, elle se reprit vite en constatant que, bien qu'il n'en disait rien, trop emporté par l'excitation du jeu et son envie de taper la balle, Ryouta fatiguait. Ce qui était parfaitement normal, il était jeune et ses réserves d'énergie, bien qu'elles semblaient inépuisables, ne l'étaient pas tant que cela.

« Ryouta, on arrête un peu et on retourne avec Papa, d'accord ? Maman fatigue mon chéri, tu es trop fort pour elle. » souffla la jeune mère – diplomatie, diplomatie wheee.

Elle retourna vers le banc et prit une bouteille d'eau qu'elle tendit à son fils pour qu'il boive, lui passant une main sur le front au passage pour essuyer quelques gouttes de sueur. Il faisait chaud mine de rien et maintenant que la matinée était bien avancée, le soleil commençait à taper fort.

Combien de temps avaient-ils passés sur ce terrain depuis qu’ils étaient arrivés, déjà ? Difficile à dire. L’adrénaline du jeu – même à ce niveau-ci – avait noyé la notion du temps de Yukio. Mais ce n’était pas ce qui lui importait le plus, au fond. Voir son fils sourire et rire, voir sa femme s’adonner à son sport fétiche sans que rien ne les en empêche suffisait à lui faire voir les choses avec un regard attendri. Il regardait Takara avec les yeux d’un amoureux, il regardait Ryouta avec un regard plein de fierté et de joie. Jamais il n’aurait cru qu’un jour sa descendance – déjà qu’il avait encore du mal à croire que le destin ait accepté de lui en accordé une – puisse vouloir à ce point suivre ses traces. Il était extrêmement fier, même s’il ne savait pas toujours comment le montrer.

Les remontrances du petit blond, survenues juste après celles de son épouse, le firent plus rire qu’autre chose, pour dire l’exacte vérité.

« Oui oui champion, tu as raison ! J’ai hâte de voir comment tu t’y prendras… à mon âge ! »

Nouveau rire. Il laissa un sourire s’établir sur ses lèvres avant de se relever, son genou ne lui occasionnant plus la moindre douleur quelle qu’elle puisse être. Etirant ses bras, il applaudit son garçon alors que ce dernier venait d’essayer de marquer. Ce ne fut pas très concluant maiiiiiis c’était déjà ça. Pour son âge, Ryouta était déjà très doué et ce n’est pas parce qu’il s’agissait de son fils que Yukio tenait pareil discours, loin de là. Le Kasamatsu était un homme pragmatique et profondément honnête, que ce soit avec lui-même ou les autres. Lorsqu’il voyait quelque chose ou qu’il constatait la présence de talent quelque part, il n'allait pas chercher à dénigrer ce que ses yeux lui avaient fait voir. C’aurait été contraire à toute forme de logique.

« Bon et si on allait se manger cette glace, finalement ? Moi je dis, après tant d’effort, on mérite tous un peu de réconfort. »

Son enfant dans les bras, il lui ébouriffa d’une main la crinière blonde avant de rire de nouveau. Puis il lança un regard transi à sa compagne avant de poser son front contre le sien.

« Sauf si madame à d’autres projets en tête nous concernant, bien entendu. »

Yukio ? Absolument incapable de dire non à son épouse ? Mais non mais non voyons, il avait un peu plus de volontés que cela ! …. En théorie tout du moins… Ahah.