Maybe you can be my wings. [PV Shun ♥]

Une bousculade, et la gamine se retrouve au sol, sur le goudron. Des rires moqueurs, méchants, retentissent partout autour d'elle. Ils l'insultent encore, essaient de la briser sans vraiment s'en rendre compte. Les enfants sont méchants. Ni sa sœur, ni elle ne leur ont jamais fait le moindre mal, et pourtant ils se sont acharnés sur elles, sans jamais leur donner la moindre explication. Keeki n'a jamais pleuré face aux insultes et boutades cruelles des autres enfants. Elle a longtemps laissé couler, parce que Kuuki disait que soigner le mal par le mal ne faisait toujours qu'aggraver les maux. Elle l'a écoutée.

Mais les mots sont devenus plus durs, les rires plus forts. Ils ont commencé à voler leurs affaires, à tâcher leurs cahiers, parfois à les bousculer. Et Keeki a fini par lever la main sur tous ceux qui tentaient de leur faire le moindre mal. Les punitions sont tombées, la maîtresse retenait l'enfant à l'intérieur pendant que les autres sortaient jouer pendant les récréations. Mais ils ont continué, alors elle n'a pas arrêté de frapper. Certains ont fini par se calmer, sûrement parce qu'ils ont eu peur que Keeki ne leur enfonce ses ongles dans leur peau, et ne les fasse saigner comme elle l'avait déjà fait. Mais d'autres s'acharnent, encore, et toujours.

Comme le garçon qui vient tout juste de la faire tomber. Elle ne cède pas, se relève, et fait face au gamin qui la dépasse d'une demi-tête. Il ne l'impression même pas. Ses petits poings sont serrés, ses yeux luisants de colère. Ils rient parce que sa sœur n'est pas là, parce qu'elle est malade. Le moindre prétexte est bon. Les rires ne s'arrêtent pas, alors elle fini par décocher un coup de pied dans le tibia du garçon, pleine d'une rage qu'elle ne parvient pas à contenir. « Taisez-vous ! » Le garçon gémit en sautillant sur un seul pied, se tenant sa jambe douloureuse. Tant et si bien qu'il fini par tomber sur les fesses en se plaignant. Keeki, qui, déjà, trop tôt, apprend à profiter des faiblesses des autres, lève la main. Elle se prépare à le frapper à nouveau. Elle veut se venger. Sans pitié.

Elle est à deux doigts de frapper à nouveau son persécuteur, mais une poigne ferme se referme sur son bras, l'arrêtant ainsi dans son élan. Elle écarquille les yeux, tourne la tête vers celui qui la retient. Elle fait face à un garçon un peu plus grand qu'elle, un peu plus âgé aussi il faut croire. Des cheveux bruns, des yeux bleus qui la fixent, d'un air tout à la fois sévère et doux. Elle frémit. Un garçon ne l'a jamais touchée autrement que pour la frapper, à commencer par son père. Dans son regard pourtant, elle ne lit aucune violence ; bien au contraire. Il la lâche, elle baisse le bras, et le regarde s'éloigner vers la maîtresse. Rapporteur. Il n'a jamais eu d'ennuis avec ça ?

Il revient vers elle, elle se renfrogne légèrement. Elle ne sait pas comment réagir face à ce garçon qui n'est pas comme les autres. Alors, elle détourne le regard, vers son agresseur qui se fait sermonner. Elle n'est même pas contente qu'il se fasse disputer. En vérité, ça lui importe peu. Sa colère est retombée. Sûrement pas pour longtemps, mais elle a un petit répit, accordé par l'inconnu aux yeux bleus. Inconnu qui lui tend un bonbon en se présentant, avec un accent étrange qu'elle ne sait pas reconnaître, jusqu'à ce qu'il l'éclaire. Allemand ? Elle hausse un sourcil quand il lui parle dans sa langue natale, et attrape le bonbon. « J'ai rien compris. » Elle se détourne, et s'éloigne vers le préau.

Elle s'assoit dans un coin, ses jambes ramenées contre elle, faisant tourner le bonbon entre ses doigts. Pourquoi est-il si gentil avec elle ? Ils ne se connaissent même pas. Elle remarque qu'il l'a suivie, penche légèrement la tête en le regardant. Non, il n'est vraiment pas comme les autres. Il ne rit pas d'elle, il ne la fuit pas non plus. Pourquoi ? « Je m'appelle Keeki. Pourquoi t'es pas méchant avec moi ? » Elle ne comprend pas, elle qui n'a rien appris de bon sur les relations humaines.

Il la complimente sur son prénom, et c'est deux grands yeux étonnés qu'elle lève vers lui. Elle n'en revient pas. C'est la première fois qu'on lui dit quelque chose comme ça. Mis à part venant de sa sœur. Parce que Kuuki est l'exception, encore et toujours. Mais Shun... Shun ne la traite pas comme les autres. Alors que les garçons sont les pires, habituellement. Il lui sourit et lui parle comme s'il... l'appréciait. Comme s'il voulait apprendre à sa connaître. C'est quelque chose qui lui échappe. Elle cesse de réfléchir. Elle mange le bonbon. « Merci. » Il s'agit d'un mot déjà quasi-absent de son vocabulaire. Alors, pourquoi le remercie-t-elle ? Peut-être pour le crocodile. Ou juste pour le fait qu'il soit gentil avec elle.

Il lui tend les billes, et elle s'en saisit, les observant sous toutes leurs coutures. « C'est ça qu'on appelle des yeux de chat ? » Non, elle n'a jamais eu de billes entre les mains, avant ce jour. Parce que son père ne la gâte pas. Elle n'a jamais vraiment eu l'occasion de connaître la joie de recevoir des jouets et jeux à diverses occasions. C'est pourquoi, quand il lui dit de les garder, elle affiche un air stupéfait. Un cadeau ? Ça y ressemble fortement. Elle sent soudainement ses yeux lui piquer, et les frotte fort du dos de sa main pour ne pas que les larmes coulent.

« C'est... gentil. » Elle renifle en affichant une moue boudeuse, masquant à nouveau cette surprise qui l'habite. Dire qu'il est presque parvenu à la faire pleurer. Alors que ça n'était certainement pas son intention, en plus de ça. « J'ai... jamais joué... Tu m'apprends, dis ? » Parce qu'il vaut mieux tard que jamais. Et la compagnie de Shun ne lui déplaît finalement pas. Il n'a pas l'air comme les autres. S'il est vraiment différent, alors, elle veut bien faire l'effort de l'accepter. Du moins, d'essayer.