One day, I'll kill him to save us. [Jumelle ♥]

Il fait déjà nuit, depuis plusieurs heures. La lune est haut dans le ciel, elle commence tout juste à décliner à l'horizon. Elle éclaire à peine les rues, et Keeki marche dans la semi-obscurité, entre les faisceaux des lampadaires au dessus d'elle. Son sac de sport sur l'épaule, ses cheveux attachés à la volée, elle prend tout son temps. Le résultat sera le même de toute façon, qu'importe l'heure. Son père saura, les coups pleuvront. Elle n'y échappera pas. Les horaires sont les horaires, le géniteur l'aura attendu jusqu'à ladite heure, avant d'oublier, temporairement. Elle pourrait ne jamais rentrer, il ne s'en soucierait pas. Ce ne serait qu'un poids en moins sur ses bras, après tout. Elle y a déjà pensé ; prendre le strict nécessaire, et partir, loin, sans se retourner. Sa sœur la suivrait sûrement, comme elle l'a toujours suivie jusqu'à présent, mais Keeki ne veut pas lui imposer un tel sacrifice. Partir, elle le fera sûrement un jour, mais seule. Et jamais en laissant sa cadette entre les sales pattes de son père.

Mais elle ne veut pas y penser, pas pour le moment. Elle veut que ses pensées restent encore un peu dans le parc, avec Makoto. Le brouillard du plaisir se dissipe à peine, elle flotte encore en plein dedans, même si, peu à peu, à l'approche de la demeure familiale, elle reprend pied avec la réalité. Une réalité parfois trop difficile à accepter, une réalité qui la ronge autant qu'elle ronge sa sœur. Oui, Keeki voudrait rester encore un peu à rêvasser sur les heures écoulées avec son amant, mais ses démons aiment la tourmenter avec cruauté. Ils sont les courants d'air frais sur ses bras, dans l'air tiède de l'été ; ils sont la lumière qui vacille, là-haut sur le réverbère, ils sont le bruit des volets qui claquent, dans le silence de la nuit. Ils sont aussi les battements de son coeur qui s'accélèrent et ses mains qui tremblent, mais ça, elle ne l'avouera pas. Ses démons l'effraient, mais c'est une frayeur qu'elle taira et qu'elle emportera dans la tombe, certainement.

La terrible demeure aux trop nombreux éclats sombres d'âmes brisées se dresse devant elle, et elle frissonne à l'idée même de poser le pied sur la marche unique du perron. Pourtant, elle s'y résout, au bout de plusieurs minutes de longue, très longue hésitation. Il est encore temps de partir. Mais Kuuki prendra à sa place, et c'est quelque chose que l'aînée n'acceptera jamais. Elle glisse donc la clé dans la serrure, tourne la poignée, soigneusement, lentement, précautionneusement, et tous les autres mots en -ment qui signifient qu'elle prend grand soin à ne faire aucun bruit qui attesterait de son retour bien trop tardif.

Elle referme la porte derrière elle, et éclaire les pièces plongées dans le noir le plus absolu. Elle respire le plus doucement possible, se méfie de chaque objet qu'elle sera susceptible de heurter, et parviens jusqu'au bas de l'escalier sans encombre aucune. Restent encore les marches à gravir, ces planches de bois qui aiment à grincer sous le poids pourtant on ne peut plus léger de la demoiselle, telles des complices cautionnant les actes du paternel. Elle prend une profonde inspiration, et monte, une par une, le plus lentement du monde, retenant sa respiration au moindre bruit. Elle parvient ainsi jusqu'à la moitié de l'escalier, et ne comprend son erreur que trop tard. Elle n'entend aucun bruit venant de la chambre de son père. Elle se fige, alors que la lumière s'allume. Son cœur loupe un battement, elle descend d'une marche.

« Tu es en retard, Keeki. »

Elle sent cette pression sur sa poitrine, cette pointe dans son corps qui lui dit de fuir. Sa raison lui dit de sauver sa peau, mais autre part, seul le nom de Kuuki résonne, encore, et encore, comme une complainte lancinante. Elle subira, encore, pour que sa sœur n'ai pas à subir. Ne te réveille pas, Kuuki, je t'en prie. Je ne crierai pas, mais ne te réveille pas, s'il te plaît. Le paternel descend, elle ne bouge pas. Seul son sac glisse de son épaule, pour se poser sur la marche à ses pieds. Elle pourrait le supplier de l'épargner, mais ce serait inutile. Il les tient pour responsables, responsables de la mort de sa femme, et il le leur fera toujours payer.

Il arrive, attrape le bras de sa fille, la plaque violemment contre le mur. Sa tête cogne, mais elle ne dit rien, elle serre les dents. Il lance un regard de côté, et elle regarde dans la même direction. Le rez de chaussée. Non... pas les escaliers ! Elle se débat, lui échappe, descend. Il l'a rattrape à la troisième marche, la retient, la repousse. Elle se sent tomber, parvient à éviter le pire en amortissant la chute sur ses mains, mais son poignet proteste. Elle retient à grand peine un gémissement. Le fracas de sa chute était si bruyant qu'il a sûrement réveillé sa cadette, alors, ne plus faire de bruit n'a plus d'importance, mais elle ne donnera pas la satisfaction à son paternel de montrer sa douleur. 

« Crève. » C'est l'unique mot qu'elle lâche, avant qu'un coup violent dans son ventre ne vienne lui couper la respiration. Elle se met à tousser, en tentant de faire revenir l'air dans ses poumons. Connard. Je te tuerai, je te tuerai, je te tuerai. Elle se raccroche à ces pensées, comme un fil conducteur, un fil rouge pour ne pas en perdre le fil, pour ne pas céder face à la douleur. S'il te plaît, Kuuki, ne viens pas. Ne viens pas.

La douleur est vive, mais pas insupportable ; c'est terrible à dire, mais sa résistance n'est due qu'à l'habitude. Neuf ans, bientôt dix, de coups presque quotidiens. Elle vous dira qu'on apprend à vivre avec. Même si les deux sœurs ne l'ont jamais vraiment accepté, elles ont fini par se faire à l'idée qu'elles n'auraient jamais un père « normal » qui les emmènerait acheter une glace ou une crêpe au vendeur du coin, un père qui les aiderait à faire leurs devoirs, pas même un père qui les encouragerait dans leur voie, qui leur dirait qu'il tient à elles, qui leur dirait qu'il les aime. Et elles n'ont jamais eu une mère pour compenser ce manque d'affection dont elles ont été victimes. De ce fait, s'attacher aux autres et leur faire confiance a toujours été difficile pour Keeki, encore plus lorsque ces autres étaient des hommes. Elle n'a jamais réussi à croire réellement, aveuglément en quelqu'un d'autre que sa sœur, et peut-être de celui dont elle s'est entichée ; mais tout est faible et vacille. Elle est faible et vacille. Keeki, comment espères-tu pouvoir combler le vide dans l'âme de ta sœur, alors que tu es la plus rongée de vous deux ? Idiote. Et pourtant, elle n'a jamais abandonné l'idée d'aimer et de protéger Kuuki envers et contre tout, comme l'aurait fait une mère. Comme ce jour...

Je rentrais à la maison, seule, mes écouteurs enfoncés dans mes oreilles, en train d'écouter un quelconque morceau de rock, un sourire aux lèvres. Je revenais tout juste d'une superbe après-midi passée avec ma sœur. Nous avions passé des heures à nous entraîner sur le terrain de basket, à dix minutes de chez nous, comme nous aimions bien le faire dés que l'occasion s'en présentait. Nous débutions à peine dans le domaine, nous n'étions vraiment pas très douées, mais nous nous amusions ; et à cette époque, ceci seul nous importait. Les chutes, les balles perdues, et celles qui étaient lancées avec une telle maladresse qu'elles retombaient au sol sans même avoir touché l'anneau ou le panneau, elles n'étaient pas rares, et même plutôt fréquentes, mais notre sourire, lui par contre, était permanent. Rien ne comptait plus qu'affronter le monde, l'adversité, ensemble, main dans la main et sans oublier de rire.

Mais ce soir là, je suis rentrée seule. Kuuki avait insisté pour continuer à s'entraîner un peu, elle voulait marquer sans tomber, pour une fois. Alors, j'avais dit que je rentrais seule, elle n'aurait qu'à me rejoindre ensuite et me dire ce qu'il en était. Sauf que j'avais à peine mit un pied dans la maison, que mon père n'avait pas perdu une seconde pour venir à ma rencontre ; et le regard qu'il affichait ne présageait rien de bon. Je m'étais efforcée de ne pas montrer qu'il m'effrayait. « Où est Kuuki ? » La phrase résonnait avec une telle menace, que réfléchir à une excuse aurait pu être on ne peut plus compliqué, si elle n'avait pas été déjà toute prête dans mon esprit. « Elle révise chez une fille de notre classe, elle n'a pas comprit la dernière leçon. » Je mentais comme je respirais, avec un aplomb feint, pour m'obliger à ne pas trembler devant lui. Je ne peux pas jurer qu'il me croyait, mais il n'avait aucune preuve pour me contrer.

Il avait préféré entrer dans le vif du sujet, sans attendre. Évidemment, sa question n'était pas anodine, bien que l'on aurait pu croire qu'il s'était simplement inquiété de notre absence imprévue. Il n'en avait que faire. « Il me manque de l'argent. Où est-il ? » C'était l'effet douche froide. Quelques jours avant, nous avions acheté notre ballon de basket, mais nous n'avions pas envisagé qu'il s'en rendrait compte. Il s'agissait pourtant d'un cas de figure prévisible, et qui pouvait s'avérer risqué pour nous et notre passion si nous étions sincères. « C'est...euh, on... J'ai... acheté des bonbons. » Oui, c'est vraiment la première chose qui m'est passée par la tête. « Pourquoi ? » avait-il alors lâché, avec une rage palpable qui m'avait aussitôt fait reculer. « Pour... me faire bien voir, au collège... » C'était crédible. Kuuki avait toujours été plus ouverte, plus souriante que moi, elle attirait les gens. User de stratagèmes pareils pour me faire des « amis », j'aurais réellement pu le faire. Je n'étais pas si pathétique toutefois, mais ça, il ne le savait pas. C'est comme ça que j'ai pu protéger celle qui m'est le plus cher au monde.

Il m'avait attrapé le poignet, m'avait fait rentrer de force dans la maison, et les coups s'était abattus, sans interruption. A cette époque, les larmes de douleur et de honte inondaient encore mes joues. Je n'ai apprit que bien plus tard à ne pas lui offrir la satisfaction de me voir pleurer.

Des bruits viennent de l'étage, font frissonner celle qui est au sol, sur le plancher frais de l'entrée. Elle n'a toujours pas recouvré son souffle, et les coups ne s'arrêtent pas, martèlent son ventre et ses jambes, ses bras avec lesquels elle tente de se protéger. Le goût du sang commence à titiller sa langue, au moment même où elle aperçoit sa sœur, là, juste en haut des marches. Kuuki, non! Elle a voulu le lui crier, mais sa voix n'a pas franchi ses lèvres. Sa sœur s'élance, muée d'une folie protectrice soudaine ; folie protectrice qui les perdra sûrement un jour. Les yeux de Keeki s'écarquillent sous la surprise. Elle parvient à passer le géniteur, manque tomber, se rattrape et se saisi de la main de celle à cause de qui cette nuit aussi a tourné au cauchemar.

Elle sent tout son corps protester, mais n'en tient pas compte. Se relever, fuir, c'est le plus important en l'état actuel des choses. La main de sa cadette dans la sienne lui confère le courage et la force de se remettre debout. Courir. Ses jambes tremblantes sont tentées de se dérober, elle ne leur en laisse pas l'occasion. La porte est passée, l'air tiède de la nuit les accueille en son sein, et les deux identiques s'éloignent de la maison, sans ralentir. Le paternel abandonne vite la poursuite, et rentre chez lui, mais elles attendent d'être loin pour s'arrêter... plus ou moins par la force des choses. Une chute de Kuuki, fait habituel.

Keeki observe sa sœur, le souffle court. Sa condition physique n'est déjà pas la meilleure, depuis qu'elle a cessé de manger correctement ; les coups et la course n'ont rien arrangé. Elle essuie le sang au coin de sa bouche, du revers de sa main gauche, la droite est appuyée sur sa poitrine, comme si cela pouvait l'aider à se calmer. Elle ne sait absolument pas comment s'y prendre, avec celle qui vient de lui sauver la mise, de lui sauver la vie, aussi, peut-être. « Keeki qu'est ce qu'on va faire ? J'ai mal aux seins j'ai pas pris de soutif ouaiinnnn...!! » L'aînée cligne des yeux, complètement prise au dépourvu. Comment peut-elle être si insouciante après ce qu'il vient de se passer ? Douce accalmie avant le retour à l'Enfer. Profite. Elle fini par afficher un sourire en coin, se penche vers sa sœur pour lui passer un bras autour des épaules, et dépose un baiser sur son front. « Merci. » C'est un mot qu'elle ne prononce que rarement, parce que remercier c'est se rendre redevable. Elle se demande même si ce n'est pas la première fois qu'elle le dit avec sincérité. Peut-être bien. Et c'est sa sœur qui a l'honneur de l'entendre.

Sans perdre son sourire, elle s'écarte de sa jumelle, en lui tendant la main pour la relever. Elle a toujours mal, mais refuse de s'en préoccuper. Elle se tait, ne se plaint pas. Ce ne seront, de toutes façons, que des bleus, comme toujours, rien de plus. Elle porte une main au téléphone dans sa poche, se ravise. Kuuki, Hanamiya, ça n'a jamais été l'amour fou. Parce qu'elle a bien trop de pitié et de larmes à verser, contrairement à toi, Keeki. Pleurer. Ça lui arrive encore, évidemment, elle n'est que tristement humaine. Mais personne ne le voit. Ce ne sont toujours que quelques larmes silencieuses, qui sont tels des poignards dans son cœur. Les heures interminables à sangloter dans son oreiller, elle les a oubliées, reniées. Ce n'était que des heures passées à rien, du temps qu'elle aurait pu consacrer à d'autres choses. Depuis, elle a apprit à se cacher.

Un soupir passe la barrière de ses lèvres, et elle s'assure que son porte-monnaie est bien dans son autre poche, avant de regarder sa sœur. « Je suppose que ce n'est même pas la peine de songer à s'infiltrer dans la maison pour aller te chercher ton soutif, hm ? » Elle se met à suivre le bord du trottoir, un pied après l'autre, observant les étoiles -ou plutôt, tentant de les apercevoir malgré la lumière des lampadaires au dessus d'elle. « Si tu as faim, ou soif, Kuuki, j'ai mon argent. » Argent qu'elle se fait de manière pas toujours très légale, il faut dire. Rendre service à des dealers n'est sûrement pas la chose la plus intelligente qu'elle ai fait dans sa vie, mais peu importe au fond. Tant que les gens qu'elle aime restent loin de ce merdier, elle s'en fout un peu. Et puis, avoir une sorte d'assistante qui ne consomme pas, certains aiment bien l'idée. Pas de risques de vol de marchandise, en théorie. De toutes façons, l'argent facile, elle ne crache jamais dessus. Surtout s'il peut leur être utile.

Pour partir.

Les bras de sa sœur l'enlacent avec douceur, et ce simple contact apaise le cœur de Keeki. Les tourments sont passés. La tempête ne tardera pas à revenir, encore plus violente que les fois précédentes, mais la ronce qu'est l'aînée n'aura de cesse de protéger la rose fragile qu'est sa cadette. Envers et contre tout. Si tu savais ce que je te dois, Kuuki. Elle sourit avec une tendresse infinie que seule sa jumelle peut se vanter de connaître. Parce qu'elles sont une, unique et pourtant divisées, et qu'elles se comprennent comme personne. Même si leur monde vient à s'effondrer, tant que Keeki sentira la chaleur de la main de son identique dans la sienne, elle ne faillira pas. Elle affrontera chaque obstacle et prendra chaque coup porté à sa place. Parce qu'elle se l'est promis, et ce lorsqu'elles faisaient tout juste leurs premiers pas dans la vie.

Parfois, c'est comme si la plus jeune s'immisçait dans son esprit. Elle sait ce qui a traversé les pensées de Keeki, cette envie soudaine de voir Hanamiya. Evidemment. Et elle n'approuve pas. Evidemment, encore. Quelque part, sans doute est-ce mieux ainsi. Elle a la sensation de s'éloigner de sa sœur, qu'un mur commence à prendre forme entre elles deux. Comme si la vie, les événements, les autres, cherchaient à les séparer. Est-ce seulement une peur fondée, ou bien un mirage de l'âme de Keeki, créé à partir de sa peur de l'abandon ? Elle qui refoule ses vieux démons, elle qui ne craint que de perdre ce qui lui est cher, s'imagine-t-elle qu'elle est en train de perdre Kuuki ? Elle tait ses doutes, sourit. Elle ne veut pas l'inquiéter. Elle ne veut que profiter de ces heures qui leur sont offertes. « Tu as raison. On peut se débrouiller seules. » Si l'on était dans l'un de ces dessins animés pour enfants, sans doute Kuuki serait-elle le petit ange sur l'épaule de Keeki, celle lui qui soufflerait de bons conseils pour qu'elle ne s'égare pas de trop.

La rose rit, et l'épineuse ferme les yeux dans le simple but d'écouter cette mélodie, qui lui est si précieuse. Petite sœur, ne cesse jamais de rire, je t'en prie. Elle la regarde, amusée de voir tant de gêne sur son visage. Elle a toujours été ainsi, le parfait contraire de la plus grande. Kuuki est tout ce qu'une fille parfaite se doit d'être : polie, timide, pudique, tendre. Elle brille de mille feux, et l'autre se réfugie dans son ombre. Rayon de soleil. Kuuki éclaire la voie de sa jumelle de part sa lumière éblouissante, et Keeki la pousse en avant, encore et toujours, tentant de la faire s'affirmer par de subtils stratagèmes. La lionne rit doucement, et vient se saisir de la main de sa sœur pour l'entraîner avec elle dans les rues. « Non, ça ne coûte pas cher. Tu veux que j'aille l'acheter à ta place ? 85E, tu n'as pas prit encore trois tailles de plus au moins ? » Elle la taquine, mais sans doute aurait-elle un tour de poitrine pas si différent si seulement elle se nourrissait correctement.

Et puis, elle se met à rêvasser. Le tour du monde, hein ? Leur rêve d'enfance... Keeki s'est si souvent imaginée, avec Kuuki, bronzant sur une plage d'Espagne, jouant dans la neige du Canada, ou parcourant les plaines de Wyoming. Y parviendront-elles seulement, un jour ? Keeki a cessé d'y croire, à ses yeux il ne s'agirait jamais que de chimères que l'on s'invente quand notre petit univers ne s'est pas encore effondré sur lui-même. Mais, alors, sa sœur y croit-elle encore réellement ? Sans doute. Elle a toujours eu suffisamment d'étoiles dans les yeux pour croire en tout ce que son aînée ne voit plus depuis trop longtemps. Alors, rien que pour ce soir, elle décide de se prêter au jeu, de rêver encore un peu avec sa jumelle. « Quel pays est-ce que tu aimerais visiter, en premier ? Moi, je rêve de monter à cheval dans le Far West ! »

Elles avancent dans les ruelles, atteignent les premiers commerces. Il y a bien de petites boutiques dans le coin, dans lesquelles elles peuvent se permettre d'acheter de quoi boire et grignoter au cours de la nuit, mais Keeki se demande seulement si des sous-vêtements y sont vendus. Elle s'arrête à l'entrée, et sort son porte-monnaie de sa poche pour en tirer quelques billets et les tendre à Kuuki. « Tiens, juste à côté il y a une supérette, tu prends ce que tu veux, de quoi boire et manger, c'est pour nous deux donc t'occupes pas du fait de me rembourser. Moi, je vais à côté, je te ramène un soutif et je prends une couverture. Tu iras l'enfiler dans les toilettes publiques. » Elle lui adresse un petit sourire amusé en regardant la tenue de sa sœur, on pourrait croire à une somnambule tout juste sorti de son lit, ce qui n'est pas complètement faux si l'on oublie le côté somnambule. Keeki retire sa veste en simili-cuir, la tend à sa cadette. « Histoire que tu aies l'air un minimum présentable. » Elle lui adresse un clin d’œil, et s'enfonce dans la boutique. Rendez-vous devant la porte une fois les achats effectués.